Par Samir Abdel-Ghany :
Saïd Badawi porte un costume neuf et un mouchoir bleu pour éloigner le mauvais œil, et il attend l’artiste Mohamed Abla avec anxiété. Lorsque l’horloge sonne sept heures, il le voit s’approcher de la porte de la galerie Art Corner, et un sourire éclatant illumine son visage charmant, dévoilant son sourire enfantin, étonné par les gens et la vie… Il se tient parmi ses amis caricaturistes, des compagnons de longue date et des partenaires de voyage…
Sur le mur, une photo dessinée du grand artiste défunt Mohamed Hakam est accrochée. Des larmes coulent de ses yeux alors qu’il pointe du doigt l’image en disant : “Il était avec moi dans toutes les expositions et aujourd’hui il n’est plus là… Mais avec ses mots doux et encourageants, il est toujours dans mon cœur, mon esprit et mon âme. Hakam est celui qui m’a surnommé ‘l’artiste doré’ lorsqu’il a vu mes tableaux que j’ai dessinés en noir et doré…”
Les tableaux de Saïd racontent des histoires sans fin… où la femme joue le rôle principal… Les oiseaux, les animaux et les poissons sont les héros de son monde joyeux… Il pratique l’art avec spontanéité, comme s’il jouait… Les paroles encourageantes de Mohamed Abla le plongent dans un état d’euphorie.
Saïd Badawi est né en 1942. Diplômé de la faculté des Beaux-Arts Appliqués, il a travaillé comme ingénieur aux imprimeries Al-Ahram tout en pratiquant l’art de la caricature avec l’âme d’un amateur, craignant l’appel envoûtant de l’art… Il était soucieux de prendre soin de ses filles. Bien que le grand artiste Salah Jahin l’ait adopté artistiquement et lui ait ouvert les portes de la gloire, il a choisi l’imprimerie et y a vécu, respirant l’odeur des couleurs et des encres… jusqu’à ce qu’il accomplisse sa mission de marier ses filles… Puis sa femme est décédée, et il s’est retrouvé seul… Alors, l’art est devenu sa compagnie et son salut.
Je lui ai demandé comment il passait ses journées, et il a répondu : “Je me réveille tôt, je prends un petit-déjeuner léger et j’entre dans mon ‘sanctuaire’, la pièce où je peins… J’ai décidé de peindre tous les jours tant que je suis encore en vie. Parfois, j’oublie le temps et je me perds dans la toile et ses détails, c’est pourquoi, lorsque je prépare une exposition, je demande à mes filles de m’appeler pour me rappeler l’heure du déjeuner et du dîner… Je perds la notion du monde quand je commence à travailler.”
L’élève diligent
Saïd Badawi, l’artiste qui a organisé de nombreuses expositions et illustré de nombreux livres pour enfants, est retourné une fois de plus sur les bancs de l’école. Il a parlé de cette expérience en riant : “J’avais des problèmes avec la coloration car j’étais habitué à dessiner au crayon, alors j’ai décidé de m’inscrire à la faculté des Beaux-Arts, section des études libres en peinture. J’arrive avant l’heure, je m’appuie sur ma canne et je me dis qu’il n’y a pas de place pour remettre les rêves à demain. Tout ce que je peux accomplir aujourd’hui, je le poursuis avec effort et amour… J’ai des camarades de classe de l’âge de mes petits-enfants, mais je suis heureux quand je termine les exercices avant eux… Je suis le meilleur élève.”
Après des cours de dessin, il a décidé d’apprendre le graphisme pour réaliser la mise en page de ses prochains livres… Puis il a regardé vers l’horizon et a dit : “Et qui sait, peut-être que j’apprendrai la musique ou le chant.”
“Je considère que l’art est ce qui reste du voyage de l’artiste. Les toiles sont interactives, et chaque spectateur les voit de son propre point de vue. Mes œuvres sont ma véritable richesse, un cadeau de ma part aux générations futures, et j’espère être, ne serait-ce qu’un peu, la cause du bonheur d’une personne.”
Je lui ai demandé comment il voyait la vie à quatre-vingts ans et quels conseils il donnerait aux jeunes. Il a répondu : “Trois mots résument la vie… Mon conseil aux jeunes : travaillez, apprenez, et étudiez. Ne regardez pas en arrière, car demain sera meilleur… De mes expériences de vie, j’ai appris trois choses : (1) Travailler, car le travail est la base de la vie, il lui donne de la valeur et me permet de vivre. (2) Connaître, car la connaissance fait partie de la personnalité ; sans lecture, connaissance et culture, on devient comme une pierre, surtout pour ceux qui travaillent dans le domaine de l’art. Ils doivent savoir ce qui se passe autour d’eux pour l’exprimer avec conscience. (3) Aimer, aimer dans toutes ses formes et significations… L’amour de soi est important ; ceux qui s’aiment montrent le meilleur d’eux-mêmes, essayent de se rendre heureux, même avec peu de choses, s’encouragent et se récompensent après chaque réussite, aiment leur famille, leurs amis, leur environnement… L’amour est la meilleure manière de réussir.”