La digitalisation et l’utilisation du papier représentent deux mondes en opposition qui illustrent les tensions et les défis de notre société moderne. Alors que la digitalisation promet efficacité, rapidité et accessibilité, le papier, bien que souvent considéré comme obsolète, conserve une place symbolique et pratique dans de nombreux aspects de notre vie quotidienne. Cette dichotomie soulève des questions fondamentales sur notre rapport à la technologie et…au papier.
Par : Hanaa Khachaba
La panne informatique mondiale du vendredi 19 juillet 2024 a affecté 8,5 millions d’ordinateurs, selon Microsoft. « Ce chiffre représente moins d’1% de toutes les machines Windows », a précisé le géant américain.
Cette mise à jour malencontreuse d’un logiciel de cybersécurité a provoqué la panique sur une bonne partie de la planète. Aéroports à l’arrêt, chaînes de télé incapables de diffuser leur programme, hôpitaux au ralenti, système d’accréditation de Paris 2024 impacté… Les dommages de ce bug XXL ont été incommensurables. Les conséquences en cascade de cet incident majeur témoignent de la fragilité d’un monde de plus en plus digitalisé et remettent en question la digitalisation passée à la vitesse V et ses enjeux jusqu’ici incontrôlables, semble-t-il.
S’il est encore trop tôt pour quantifier l’étendue de l’onde de choc que cette panne informatique a provoquée, l’écran bleu qui a surgi vendredi devant les yeux terrifiés de plusieurs centaines de milliers de personnes rappelle l’ampleur du risque : lorsqu’un grain de sable fait subrepticement dérailler les machines, cela peut paralyser le fonctionnement d’une grande partie nos activités humaines.
Un fait accompli : La digitalisation s’est imposée comme un pilier essentiel pour la survie et la croissance des entreprises dans notre économie dynamique. Elle rend possible une amélioration de l’efficacité opérationnelle, grâce à l’automatisation des tâches répétitives et à la réduction des erreurs. En parallèle, elle contribue à diminuer les coûts en peaufinant les processus et en supprimant les dépenses superflues. Il est donc indéniable que la digitalisation a transformé presque tous les secteurs, du commerce à l’éducation, en passant par la santé et la culture. Elle offre des avantages indiscutables.
Grâce à Internet, l’information est désormais à portée de main. Les étudiants peuvent accéder à une multitude de ressources en ligne, les entreprises peuvent toucher des clients à l’échelle mondiale. Cette démarche forge en effet de nouvelles opportunités de marché. Elle équipe les entreprises pour s’étendre à de nouveaux territoires, atteignant de nouveaux clients et explorant de nouveaux segments de marché grâce aux technologies numériques. Pour couronner le tout, elle maintient les entreprises compétitives dans un univers en perpétuelle mutation, en leur permettant de s’ajuster promptement aux fluctuations du marché et d’embrasser les technologies de pointe. En effet, les processus qui prenaient autrefois des jours ou des semaines peuvent être réalisés en quelques clics. La gestion des données, la communication et les transactions sont désormais instantanées, ce qui permet un gain de temps précieux. Au niveau individuel, la digitalisation permet aux gens de rester en contact avec leurs proches, peu importe la distance.
En théorie, la digitalisation devrait réduire notre dépendance au papier, ce qui pourrait avoir un impact positif sur l’environnement. Moins de déforestation, moins de déchets de papier, et une empreinte carbone réduite. Ces avantages notables sont toutefois accompagnés de défis.
Cette transition vers « le tout numérique » n’est pas sans inconvénients et soulève des préoccupations, comme la perte d’emplois dans certains domaines et une vulnérabilité accrue aux cyberattaques. Une trop grande dépendance aux systèmes digitaux peut exposer les entreprises à des risques en cas de pannes ou de cyberattaque. La digitalisation peut, comme nous l’avons vécu le vendredi 19 juillet, accroître la vulnérabilité aux attaques numériques, du fait que les données soient stockées et transmises électroniquement.
Dès lors, va-t-il falloir apprendre à vivre avec de possibles black-out digitaux comme on s’adapte à des catastrophes naturelles ou des événements climatiques ? Aujourd’hui, la panne est due à un problème de mise à jour logicielle. Demain, ce pourrait être la faute d’un bug, d’une cyberattaque ou encore d’un coup de pelle dans un câble sous-marin stratégique. Et dans tous les cas, cela entraînerait la même paralysie.
Ces dernières années, le concept de « résilience », selon LeFigaro, est devenu le maître-mot en matière de cybersécurité. La crise des rançongiciels dans les hôpitaux ou les collectivités, avec leurs conséquences concrètes pour le grand public, ont montré qu’il fallait réapprendre à vivre avec du papier et des crayons.
Dans notre monde digital, ouvert et mondialisé, la cybersécurité ne se résume plus à ériger un maximum de barrières numériques pour se protéger et d’outils pour mieux détecter les attaques. Cela consiste aussi à être capable de continuer à fonctionner sans tous les outils, à élaborer et tester des plans de continuation d’activité. Ce n’est pas là l’affaire des responsables informatiques, mais celle des plus hautes instances pensantes d’une entreprise ou d’une organisation. Garder à tous niveaux, dans la mesure du possible, une forme de contrôle. Pour éviter que la pagaille d’un jour ne tourne pas, un autre jour, au chaos total.
Quant au papier, bien qu’en déclin, demeure un support privilégié pour de nombreuses personnes et situations. Pour beaucoup, rien ne remplace la sensation de tourner les pages d’un livre ou de prendre des notes sur papier, persuadés que la lecture sur écran peut entraîner une fatigue visuelle et une diminution de la concentration. Autre point fort du papier, les documents sauvegardés en format papier ne dépendent pas de la technologie. En cas de panne de courant, de cyberattaque ou de défaillance technique, les informations sur papier restent intactes et accessibles. De plus, certaines personnes préfèrent conserver des archives physiques pour des raisons de sécurité et de confidentialité. A tout ceci s’ajoute la valeur émotionnelle et symbolique : Des lettres manuscrites, des diplômes ou des photos imprimées sont souvent perçus comme plus authentiques et chargés de sens.
Cette opposition entre digitalisation et papier crée un certain désarroi dans notre société. D’un côté, la pression pour adopter le numérique est forte, tant dans le milieu professionnel que dans la vie quotidienne. De l’autre, la résistance à cette transformation est tout aussi présente, notamment chez les générations qui ont grandi avec le papier. Après tout, toutes les populations n’ont pas un accès égal à Internet ou aux outils numériques, ce qui peut créer une fracture numérique et laisser certaines personnes derrière.
Somme toute, la digitalisation et le papier ne doivent pas être considérés comme des opposés irréconciliables, mais plutôt comme deux facettes d’une réalité complexe. L’enjeu réside dans la capacité de notre société à trouver un équilibre entre ces deux mondes, à valoriser les avantages de chacun tout en atténuant leurs inconvénients.