Avec finesse et subtilité, Al-Sayed Hani revisite les retombées de la défaite de 1967 dans son nouvel ouvrage romanesque baptisé « Les victimes ». Hani a assuré que tous destruction et massacre ne sont pas uniquement militaires. Il y a des résultats plus destructeurs et néfastes qui découlent des guerres. Dans son œuvre, il révèle bien que les résultats de la guerre ne s’affichent jamais durant le combat, mais plus tard. Aux yeux de l’écrivain, une guerre sape aussi bien les bâtiments, que les maisons, et les infrastructures que les êtres humains.
Hani a veillé à démontrer tout au long du fil de l’œuvre que si les bâtiments peuvent être reconstruits et réaménagés, les êtres humains ne le sont pas si facilement que cela. Un être humain pour être réhabilité nécessité du temps, de l’énergie et beaucoup d’attention. Et, dans certains cas, cela n’est pas toujours possible. L’auteur a rappelé que les retombées d’une guerre se poursuivent de longues années, voire même des décennies plus tard. En cela, il se distingue de la plupart des chroniqueurs de guerre : ceux qui cherchent à documenter la guerre durant son déclenchement et son déroulement. Rares ceux qui cherchent à enregistrer la période post-guerre. Dans son ouvrage « Les victimes », Al-Sayed Hani a excellé à révéler les retombées de la défaite de 1967 à travers l’histoire d’une jeune fille du prénom d’Amel. Un prénom bien choisi car il signifie dans la langue arabe « Espoir ». Le livre commence par une dédicace très particulière : « Aux âmes des victimes qui ont payé leurs vies suite à la défaite de 1967. Ceux qui n’ont pas été enregistrés par l’Histoire. C’est à vous que je dédie cette œuvre ». Puis, au premier chapitre de l’œuvre, l’écrivain a commencé par une phrase qui va inéluctablement attirer le lecteur : « Cette histoire est inspirée de faits réels ». Dans les premières pages, le narrateur présente l’histoire avec beaucoup de simplicité tel un enfant de huit ans qui se rappelle de quelques souvenirs lointains. Le Progrès Egyptien vous propose une traduction d’un extrait de cet ouvrage attachant : « J’ai eu l’occasion d’être témoin de ces événements. J’ai pu également suivre l’évolution de cette histoire à travers les discussions de ma mère, ma tante, ma grand-mère et notre voisine hadja Zeinab. C’était un papotage chuchoté, presque des murmures, vu la gravité de la situation et le chagrin profond qui rongeait leur cœur à chaque fois qu’elles s’en rappelaient. J’étais assis près d ma mère. Alors, leurs chuchoteries et leurs murmures arrivaient à mes oreilles et je les trouvais porteuses de peine et de défaite. J’avais vite compris qu’une véritable catastrophe s’était abattue sur la famille d’Abou Salem et que le fait d’en parler n’était pas toléré.- Leurs cœurs étaient brisés et tristes. – Le sentiment d’impuissance était dominant. – Ce sentiment d’impuissance s’est infiltré à moi et j’ai vite compris que le problème qui s’est déclenché pour la famille d’Abou Salem demeure sans solutions. J’ai grandi avec ce problème et les moindres détails ont forgé mes souvenirs d’enfance. Je n’ai jamais oublié Saber Effendi Abou Salem, le fonctionnaire au gouvernorat d’Ismaïlia. Son épouse Hamida, une mère au foyer, qui était originaire de notre village et qu’il avait épousé pour vivre ensemble à Ismaïlia. Sa fille aînée Amel, née en 1952, élève au lycée d’Al-Sawra (La révolution). Son fils « Nasser » né en 1956 … élève en sixième primaire à l’école primaire de Qanat Al-Suez (Canal de Suez). J’avais des liens assez furtifs avec Amel et son frère Nasser. Nous nous sommes rencontrés une fois durant les jours de fête. Et, nous avons joué ensemble aux balançoires. J’étais un enfant de 8 ans et elle était mon ainée d’un an. Nasser s’est assis entre nous dans la balançoire. Elle se distinguait des autres de la fille durant la fête par sa belle robe, ses cheveux bien coiffés et l’odeur du savon parfumé qu’elle dégageait. Son apparence affichait à tous ceux qui la voyaient qu’elle vivait dans la ville et qu’elle était venue en compagnie de sa famille au village pour passer les vacances de la fête avec les proches. En quittant la balançoire, elle a tendu la main pour me saluer, et m’a souri en le faisant. J’ai remarqué qu’elle gardait entre les mains un mouchoir blanc. Je ne l’ai plus oubliée ».