« La ville aux mille minarets », voilà comment on surnomme Le Caire, même si la réalité dépasse ce chiffre de loin. Des quartiers Al-Azhar et d’Al-Hussein en passant par Al-Rifaï et arrivant au Sultan Hassan, les mosquées constituent l’identité de la capitale égyptienne. Leur architecture incarne l’excellence de leurs bâtisseurs depuis que la mégalopole grouillante de vie fut conquise en l’an 20 de l’Hégire. Dans cet article, le héros est la mosquée Al-Moayad Cheikh dont l’histoire suscite l’étonnement…
Par : Hanaa Khachaba
La mosquée Al-Moayad Cheikh est située dans la rue Al-Moëz près de la porte de Zuwaila. Elle a été construite par le sultan mamelouk Al-Moayad Cheikh en 1415. Elle se compose d’une cour ouverte entourée de quatre portiques, le plus grand étant le portique de la qibla. Les murs de la mosquée sont ornés de revêtements en marbre coloré atteignant la hauteur du mihrab, à côté duquel se trouve un grand minbar incrusté de nacre et d’ivoire, portant des inscriptions avec le nom et les titres du sultan mamelouk Al-Moayad Abu Al-Nasr Cheikh Al-Mahmoudi Al-Charkassi.
Selon le ministère des Antiquités égyptiennes, cette mosquée se distingue par un phénomène unique, car ses deux minarets ont été construits au-dessus de la porte de Zuwaila, adjacente à la mosquée, qui date de l’époque fatimide, faisant de ces deux éléments un ensemble architectural intégré de manière remarquable. Le minaret ouest porte le nom du fondateur de la mosquée, Al-Moayed Cheikh, tandis que l’autre minaret porte le nom de son concepteur, l’ingénieur Mohammad ibn al-Qazzaz. La porte de la grande mosquée est l’une des plus belles œuvres d’art qui l’ornent, portant le nom du sultan Hassan.
Le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités décrit cette mosquée historique en indiquant que son fondateur, Al-Moayad Cheikh a transféré la grande porte de la mosquée et de l’école du sultan Hassan à sa propre mosquée, et c’est l’une des plus belles portes revêtues de cuivre.
La mosquée Al-Moayad Cheikh possède quatre iwans, dont trois ont récemment été restaurés pour retrouver leur style ancien. Quant au quatrième iwān principal, orienté à l’est, il conserve encore ses détails archéologiques anciens. C’est une façade haute dont les linteaux de fenêtres sont revêtus de marbre. La mosquée a une entrée majestueuse avec un escalier double en marbre, recouvert de marbre coloré et de muqarnas.
L’histoire de la construction de la mosquée remonte au fait que son emplacement était une prison connue sous le nom de Khazanat al-Chamaïl ». C’est là que le sultan Al-Moayad Cheikh a été emprisonné sous l’accusation de complot contre le pays, avant de prendre le pouvoir. Pendant son incarcération, il a promis que s’il sortait de cette prison, il la démolirait et construirait à la place une mosquée et une école. Il a tenu sa promesse, car après sa sortie de prison et son accession au pouvoir, il a commencé à démolir la prison, a acheté les propriétés voisines, les a également détruites, puis a établi cette mosquée qui porte son nom, ainsi que l’école, qui étaient les plus belles mosquée et école de l’époque mamelouk. Les récits historiques indiquent que la mosquée abrite deux tombes : l’une pour le sultan mamelouk Al-Moayad Cheikh et l’autre pour ses fils, Abu Al-Fath Moussa et Al-Sarmī Ibrahim al-MuẓaffarAhmad.
Il existe une autre histoire selon laquelle la mosquée a été attaquée en 1665, lorsque le gouverneur d’Eypte, Omar Pacha, après avoir obtenu un avis juridique des érudits, ordonna de bombarder la mosquée avec des canons pour faire sortir ceux qui s’étaient retranchés à l’intérieur, appelés « un groupe de tyrans corrompus ». La mosquée a alors été ciblée par environ 12 canons jusqu’à ce que les retranchés se rendent et ouvrent les portes de la mosquée. Sous le règne du wali d’Egypte, Ahmed Pacha, en 1690, la mosquée a subi une importante restauration. Au XIXe siècle, la mosquée était dans un de ses pires états. Sous le règne du khédive Ismaïl, les trois façades de la mosquée ont été rénovées entre 1870 et 1874. Une plaque historique indique que la mosquée a été restaurée en 1884 sous le règne du khédive Tawfiq.
De longues années plus tard, le ministère égyptien de la Culture, représenté par le Conseil suprême des antiquités, a commencé un processus de restauration complet de la mosquée. Cela a inclus l’élimination des occupations autour de la mosquée et des structures en béton qui avaient été construites à l’intérieur en violation des normes archéologiques, ainsi que la reconstruction des trois iwans en ruine et l’augmentation de la superficie de la zone de prière de la mosquée pour atteindre 2750 mètres carrés. La mosquée a subi une autre opération de restauration, qui a impliqué le développement du minbar et du mur de la qibla, la restitution des éléments originaux que des voleurs avaient essayé de voler, ainsi que le nettoyage et la mise en valeur des murs du minbar et de la qibla, y compris leurs décorations et illustrations. De plus, deux fenêtres en plâtre, faisant partie des sept fenêtres de la mosquée, ont été restaurées, car elles avaient été endommagées à cause d’une puissante explosion d’un bâtiment voisin.