Mars, ce mois qui marque le retour du printemps, est aussi le mois de la femme. Entre fête des mères, fête des grands-mères et journée internationale des droits des femmes, le mois de mars semble être le mieux placé pour rendre hommage à des figures féminines brillantes qui ont marqué l’humanité par leurs innombrables contributions, chacune dans son domaine. En mettant en lumière des figures féminines inspirantes, nous pouvons non seulement honorer leur héritage, mais aussi encourager les générations futures à poursuivre leurs rêves et à s’imposer dans un monde qui se veut masculin !
Chapeau bas à ces pionnières égyptiennes !
L’Egypte a vu émerger au fil des siècles des figures féminines inspirantes qui ont profondément marqué la société. De l’Antiquité à nos jours, ces femmes remarquables ont joué des rôles cruciaux dans divers domaines tels que la politique, l’art, la littérature et les droits sociaux. Dans ce mini reportage, le Progrès Egyptien jette la lumière sur quelques-unes de ces personnalités éminentes …
Par : Hanaa Khachaba
➢ Moufida Abdel Rahman, première avocate égyptienne

Moufida Abdel Rahman est née le 20 janvier 1914 dans le quartier de Darb Al-Ahmar au Caire. Son père, Abdel Rahman Mohamed, était doué pour la calligraphie et a écrit le Coran de sa propre main 19 fois. Elle avait quatre sœurs. Elle a trouvé du soutien auprès de son père, puis de son mari, l’écrivain islamique Mohamed Abdel Latif, qu’elle a épousé avant d’avoir vingt ans en 1933. Il l’a encouragée à poursuivre ses études universitaires en droit.
En 1935, elle s’inscrit à l’Université du roi Fouad Ier (aujourd’hui l’Université du Caire) pour étudier le droit, devenant ainsi la première femme mariée à s’y inscrire, et elle est ensuite devenue la première mère à en obtenir le diplôme.
Elle a commencé sa carrière d’avocate en novembre 1939.
Moufida a été choisie pour défendre Doria Chafiqqui avait réussi, en février 1951, à rassembler secrètement 1500 femmes de deux groupes féminins pionniers en Egypte : Bint al-Nil et l’Union féministe égyptienne, pour organiser une manifestation de celles qui avaient boycotté le parlement pendant quatre heures après s’être rassemblées, avec une série de revendications principalement liées aux droits sociaux et économiques des femmes. Lorsque l’affaire a été portée devant le tribunal, de nombreux partisans de « Bint al-Nil » ont assisté à l’audience et le juge a reporté la session à une date indéterminée.
Dans les années 1950, elle a travaillé comme avocate de la défense lors de procès politiques célèbres concernant un groupe accusé de complot contre l’Etat. En 1959, elle est devenue membre du parlement pour les quartiers de Al-Ghouriya et Al-Izbakiya (des quartiers du Caire). Moufida a également été une députée active pendant dix-sept années consécutives. Elle était la seule femme à participer aux travaux de la Commission de révision des lois sur le statut des musulmans qui a débuté dans les années 1960. Elle a été membre du conseil d’administration de la Banque de la République, du barreau, du conseil des fédérations universitaires, du Congrès national du parti socialiste unifié, et du Conseil de la poste. Elle a également contribué à la création de l’association « Femmes de l’Islam » et a occupé le poste de présidente de cette association pendant plusieurs années. Moufida Abdel Rahman a été pionnière dans des domaines que peu de femmes égyptiennes, voire orientales, avaient osé explorer auparavant.
➢ Mouchira Issa, cette pianiste de renommée mondiale

L’Egypte vient de faire ses adieux à la pianiste Mouchira Issa, considérée comme l’une des plus grandes pianistes d’Egypte et du monde. Elle a été sélectionnée parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde dans un sondage de la BBC et a reçu de prestigieux prix.
Mouchira Issa nous a quittés après avoir lutté contre la maladie. Elle avait précédemment évoqué dans des déclarations télévisées sa passion pour le piano, devenant célèbre sous le surnom de « l’amoureuse du piano ». Elle a également mentionné avoir joué avec plusieurs orchestres symphoniques en Egypte et dans le monde, et a été nominée pour le Prix d’Etat d’honneur.
La défunte artiste était professeure au Conservatoire supérieur de musique de l’Académie des arts égyptienne, qu’elle avait intégrée en 1978. Elle y a été nommée assistante et s’est spécialisée dans la musique classique, notamment à l’Opéra égyptien depuis son ouverture en 1988.
Mouchira Issa a obtenu un diplôme en performance au piano en Autriche en 1984, et a obtenu son doctorat en musique en 1987. Elle a participé à de nombreux festivals internationaux spécialisés, parmi lesquels le Festival Cervantinoau Mexique et le Festival des Semaines de la Musique à Sofia (Italie).
L’artiste défunte a reçu plusieurs prix et certificats de reconnaissance en Egypte et à l’étranger, parmi lesquels le premier prix de l’Association des Jeunes Musiciens au Caire en 1971, le prix Stepanov à Vienne en 1982, le prix des Arts de Chicago en 1987, et elle a été honorée par l’Académie des Arts pour sa contribution artistique exceptionnelle lors de la clôture du troisième colloque scientifique arabe, selon un communiqué de l’Opéra égyptien, relayé par Moyen-Orient.
L’artiste défunte est considérée comme l’un des musiciens les plus importants ayant accompagné l’Orchestre symphonique du Caire durant ses saisons successives, et elle a donné de nombreux concerts solos remarquables en Egypte et à l’étranger. Mouchira Issa compte parmi le peu de gens qui possèdent la compétence de jouer du piano et connaissent ses secrets ; c’est pourquoi elle a pu briller et se distinguer, remportant de grands prix lors des festivals internationaux.
➢ Doria Chafiq, icône du féminisme arabe

Née un 14 décembre 1908, Doria Chafiq est une philosophe qui s’est engagée dès les années 40 en faveur de la libération des femmes. Elle a notamment revendiqué et obtenu le droit de vote pour les Egyptiennes, selon franceinfo.
En février 1951, un cortège de 1 500 femmes prend d’assaut le Parlement égyptien pour réclamer des réformes et plus de droits. La liste est longue : égalité des salaires, représentation politique, droit de vote… Cette action préparée en catimini est menée par une certaine Doria Chafiq, fondatrice du magazine féministe Bint al Nil (la Fille du Nil).
« Les femmes ne doivent pas être présentes seulement lorsque les lois qui les concernent sont légiférées ; elles doivent être impliquées dans leur rédaction », disait-elle. Cinq ans plus tard, en 1956, les Egyptiennes obtiennent le droit de vote.
La petite Doria suit ses études dans une école de la Mission laïque française. Brillante élève, elle décroche à 16 ans son baccalauréat, puis obtient une bourse pour ses études supérieures. A 19 ans, l’âge où toutes les filles de sa génération attendent sagement « un bon mari », la jeune fille choisit de partir à Paris étudier la philosophie à la Sorbonne. A cette époque, elle est inspirée et soutenue par Hoda Chaaraoui, une pionnière du mouvement féministe égyptien et arabe.
Son doctorat de philosophie en poche, Doria rentre au pays en espérant donner des cours à l’Université du Caire. Mais elle est jugée « trop moderne » et le poste lui est refusé. Très engagée en faveur des droits des femmes, Doria Chafiq se lance dans le journalisme et dirige plusieurs publications prônant l’égalité des droits, comme le magazine français La Femme Nouvelle. « L’Egypte restera une société non démocratique tant que les femmes seront privées de leurs pleins droits politiques », écrivait-elle à la fin des années 40, rapporte sa biographe Cynthia Nelson.
Féministe convaincue, Doria Chafiq a lutté toute sa vie durant contre une société conservatrice et patriarcale. Revendications, pétitions, manifestations, grèves de la faim… Elle ne reculait devant rien pour défendre l’émancipation des Egyptiennes. Avec la nouvelle Constitution de 1956, les femmes ont finalement obtenu le droit de vote.
➢ Mervat Al-Tellawi, une femme d’engagements

Mervat Al-Tellawi est une gestionnaire qui possède une solide expérience dans la défense des droits humains et des droits des femmes, tant au niveau national qu’international. Elle dénonçait la montée en puissance des partis politiques de tendance islamiste qui pourraient toucher au statut de la femme.
Car qui dit droits des femmes dit « pierre angulaire de la réforme démocratique », selon Al-Tellawi.
Née dans une riche famille musulmane au sud du Caire, d’un père généreux et philanthrope et d’une mère femme d’affaires, Mervat Tellawi obtient un BA en sciences politiques de l’Université américaine du Caire en 1961 et un certificat de diplomatie internationale de l’Institut d’études stratégiques du Caire en 1962. Elle rejoint ensuite l’Institut, où elle travaille sur les conflits et les coopérations dans le monde arabe dans le cadre d’un doctorat.
En 1987, Mervat Tellawi est la première femme égyptienne à décrocher le titre d’ambassadrice. Elle exerce en Autriche jusqu’en 1991. Dans le même temps, elle est représentante de l’Egypte auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique et de l’ONU pour les affaires sociales et humaines. En 1993, Mervat Tellawi est présidente du jury de l’ONU pour la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes. La même année, elle est nommée ambassadrice d’Egypte au Japon. Elle y reste jusqu’en 1997. Elle devient ensuite ministre des Affaires sociales et des Retraites jusqu’en 1999. En 1998, elle participe à la rédaction d’une nouvelle loi permettant le travail des ONG en Egypte.
Fin 2000, Kofi Annan l’appelle pour occuper le poste de sous-secrétaire générale de l’ONU et secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, à Beyrouth (CESAO). Elle est la première femme arabe à occuper ce poste de responsable du développement économique dans la région arabe. Elle assumera cette fonction pendant huit ans. En 2009, elle est nommée coordinatrice générale du Sommet arabe économique et social au Koweït. Enfin, en 2012, elle devient présidente du Conseil national de la femme en Egypte.