La danse orientale a connu une évolution sans précédent dans toute son histoire à partir du début du 20ème siècle. Une femme d’origine syro-libanaise, nommée Badia Masabni entreprit d’ouvrir le plus grand casino, le «Casino-Opera», offrant des spectacles de qualité à un public colonial, touristique, et à l’aristocratie égyptienne.
Badia Masabni envisagea de développer une danse plus sophistiquée, et plus raffinée que la danse des ghawazi et des almées, en utilisant des éléments nouveaux tel un décor somptueux, une plus large utilisation de l’espace, un vocabulaire technique plus riche, (inspiré du folklore ainsi que des bases de danse classique) l’introduction du voile et des costumes à deux pièces, à sequins, inspirés tous deux du style hollywoodien.
Par : Soha Gaafar
Les années 30-40 constituent l’âge d’or de la danse orientale en Egypte.
Ainsi naît le Raks Sharki, que l’on traduit par « danse orientale », danse inspirée de l’orient et de l’occident, beaucoup plus riche et plus technique que son ancêtre «raks baladi» (danse populaire ou citadine).De célèbres artistes comme Samia Gamal et Tahiyya Kariokka firent leurs premiers pas au «Casino-Opera» et rendirent célèbres la danse orientale également grâce aux comédies musicales. Le «Casino-Opera» était un passage obligé qui permettait à toute danseuse, chanteur ou musicien d’atteindre une certaine notoriété. Farid El Atrache, célèbre chanteur égyptien, fit ses premiers pas au casino de Badia Masabni, selon kaoutherdanse.com.Badia Masabni est née en 1892 à Damas, dans l’Empire Ottoman à l’époque, au sein d’une fratrie de sept frères et sœurs, d’un père libanais et d’une mère syrienne. Elle est chrétienne orthodoxe. Son père possède une savonnerie, mais meurt alors qu’elle est encore enfant. La situation financière de la famille se dégrade fortement après ce décès. Sa scolarité s’arrête.Elle est violée à 7 ans. Sa mère réagit fortement. Pour autant, si l’auteur de cette agression sexuelle est jugé et condamné, la famille subit ensuite un ostracisme et ressent paradoxalement une honte. Pendant quelques années, à la suite de cet événement, la famille quitte la Syrie pour l’Argentine, puis revient à Damas un peu avant la Première Guerre mondiale. Mais l’ostracisme resurgit, selon fr.wikipedia.org.
Ne pouvant ni se marier, ni trouver un emploi stable, elle quitte Damas pour Beyrouth et y commence une activité artistique: elle chante et danse dans un cabaret dirigé par une Française. Elle rencontre aussi un comédien et metteur en scène égyptien, Naguib el-Rihani. Il devient son époux, et ils s’installent en Egypte : « J’ai décidé en mon for intérieur d’aller en Egypte parce que j’étais sûre de pouvoir danser et chanter là-bas. On disait que l’Egypte était le foyer de l’art en Orient et qu’il y avait des chanteuses très réputées », confie-t-elle ultérieurement.En 1926, elle ouvre à Alexandrie, un premier lieu de spectacle et de danse. Puis un autre à Giza en 19304. Le Caire devient la capitale de ce type de spectacle dans les années 1930.
Si de nos jours, c’est cette forme égyptienne, le Raqs al sharqi, qui domine dans les cours et les spectacles de danse orientale, c’est en raison de la notoriété acquise par les danseuses égyptiennes à cette époque. Les danseuses orientales les plus notoires, Samia Gamal ou Tahiyya Kariokka notamment, commencent leur parcours dans ses établissements, et sont formées entre autres par des professeurs de ballet classique ce qui permet de fusionner une gestuelle orientale (mouvements du bassin et du tronc) avec des mouvements plus adaptés à des spectacles de scène (déplacements, arabesques, tours…). Des danses non orientales telles que la samba, la rumba, et des formes occidentales telles que le music-hall, la comédie musicale, l’opérette, côtoient et interfèrent avec les danses traditionnelles et les traditions populaires égyptiennes, ou syriennes.Badia même se produit sur scène (et joue également dans les premiers films égyptiens de l’entre-deux-guerres). Mais elle dirige aussi, en femme d’affaires, ses établissements.
Après une période plus difficile à la suite de l’échec d’un film, elle ouvre, en 1940 ou un peu avant, dans le centre du Caire, près de l’opéra khédival, la salle mythique du Casino Opéra. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale apporte dans ses salles une clientèle additionnelle : Avec la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle étape dans la vie artistique égyptienne commence. Les militaires étrangers se sont précipités en quantité et ces lieux de loisirs ont connu un essor évident, et nous ne savions plus quoi faire avec ce grand nombre de clients. Elle cesse son activité vers 1955, et revient finir ses jours au Liban.Son nom est également le titre d’un film musical libanais, créé en 1975 par Hassan al-Imam, avec l’actrice Nadia Lutfi qui incarne son personnage à l’écran.En 2021, elle est l’une des personnalités présentées dans l’exposition «Divas: D’Oum Kalthoum à Dalida » à l’Institut du monde arabe (Paris).