La Maison Harawi. Cette demeure est considérée comme l’un des plus beaux exemples de maisons islamiques représentant l’ère ottomane. Elle est située à proximité de la mosquée d’Al-Azhar, au cœur de l’un des quartiers du Caire où l’architecture est particulièrement florissante et variée.
Construite en 1731 par Ahmed Ben Youssef El -Serafi, elle a fait l’objet de divers aménagements et modernisations au cours du temps, puis a été restaurée entre 1986 et 1993 grâce à un projet franco-égyptien piloté par l’architecte Bernard Maury, élaboré par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le ministère des Affaires étrangères français, le Service des Antiquités égyptien, la Mission pour l’étude scientifique des maisons et des palais du Caire et la Mission pour la sauvegarde du Caire islamique.
La Maison porte le nom de son dernier propriétaire, Abd El-Rahman Bak el-Harawi, un riche médecin, professeur en faculté de Médecine de Qasr El-Ayni, qui abandonna les lieux en 1920.


Sur les 600 monuments “dignes d’intérêt” recensés par l’équipe scientifique de l’Expédition d’Egypte à la fin du XVIIIe siècle, il n’en reste qu’une trentaine, dont cette Maison Harawi qui a été choisie notamment à cause de sa valeur architecturale, archéologique et historique, ainsi que de son état relativement intact et de sa position privilégiée au cœur du tissu urbain.
“De 1983 à 1993, rappelle Bernard Maury, j’ai dirigé le chantier de restauration de la Maison Harawi (…). C’était dans le cadre de la campagne de sauvetage du Caire islamique lancée par le Conseil supérieur des Antiquités égyptiennes et celui-ci a fait appel à la France pour obtenir un soutien scientifique et technique. Ce fut difficile car nous avions très peu de moyens financiers fournis par l’Egypte. La Maison Harawi fait partie de trois demeures bourgeoises groupées ayant peut-être appartenu à de riches commerçants. Toute la difficulté résidait dans le fait que cet édifice comporte des éléments architecturaux de trois époques distinctes : l’ensemble est du XVIIIe siècle, mais certains éléments remontent au XVIe siècle tandis qu’une percée a été effectuée au XIXe siècle. Cette bâtisse comporte à la fois des boiseries peintes et des peintures murales. Pour ce chantier – long de dix ans ! – j’ai dû former des ouvriers locaux, mais j’ai aussi fait appel à des spécialistes pour la rénovation du décor peint, à des Compagnons du Tour de France ainsi qu’à des universitaires français. Aujourd’hui, la Maison Harawi revit grâce à l’école de oud qu’elle abrite.” (“Le Scribe”, juillet-août 2009)
La restauration de la Maison Harawi, autant que possible dans sa configuration d’origine, estompant les ajouts hétérogènes, fut considérée comme un chantier pilote et une référence pour de futurs projets identiques. Pendant toute la durée des travaux, l’accent a été mis sur la formation des ouvriers et sur la réintroduction de méthodes de construction traditionnelle.
“Les travaux de restauration, écrit Bernard Maury, ont toujours été menés avec le souci constant de respecter ce lieu et d’en retrouver l’état originel. (…) Par contre, sur le plan technique, d’importants travaux ont dû être engagés, vu le très mauvais état de conservation de certaines parties de la maison. Sols affaissés, murs éventrés, plafonds étayés ou à ciel ouvert rendaient impossible une utilisation des lieux. De plus, les derniers squatters ont largement contribué à dégrader ou à faire disparaître nombre de boiseries qui participaient au charme de cette demeure.”

“Le deuxième résultat positif du projet, précise Anna Bardos, est l’intégration réussie de l’immeuble dans la vie sociale du quartier, et son large éventail de visiteurs. Le quartier est devenu plus propre autour de la résidence Harawi, et le gouvernement du Caire a fait des efforts pour l’améliorer avec de nouveaux lampadaires, la restauration des façades de certains bâtiments et l’enlèvement régulier des ordures ménagères.”
“Une préoccupation majeure, poursuit Anna Bardos, était de respecter autant que possible les matériaux mis en œuvre dans la construction d’origine. La pierre, la brique et le bois ont donc été utilisés selon les pratiques traditionnelles. L’utilisation de la chaux a été réintroduite, alors que trop souvent, elle fut abandonnée au profit de ciment avec un effet néfaste sur des bâtiments anciens. Ces matériaux, pour la pierre et le bois, étaient de provenance locale, et souvent de récupération sur de vieux bâtiments en cours de démolition. Seules les briques ont été fabriquées, pour être recouvertes de plâtre. (…) Un point essentiel : tout le travail a été effectué manuellement, sans recours à aucune machine ni aucun engin de levage sur le site.”