Organisée par le Musée national des Antiquités de Leyde et consacrée à l’influence de l’Egypte ancienne sur des artistes aux racines africaines, l’exposition est une “falsification de l’histoire” selon Le Caire.
Par: Nermine Khattab
Au milieu des sarcophages et des statues du Musée National des Antiquités de Leyde, entre La Haye et Amsterdam, au Pays-Bas, sur fond de hip-hop, de jazz ou de funk, les visiteurs découvrent des pochettes de disques de Tina Turner, Miles Davis ou Earth Wind and Fire reprenant l’iconographie de l’Egypte antique, une photo de Beyoncé en Nerftiti, une vidéo de Rihana devant des pyramides ou un faux masque de Toutankhamon du rappeur Nas…
Intitulée “Kemet” – “la terre noire”, le nom que les Égyptiens de l’antiquité donnaient à leur pays – l’exposition vise à montrer “la représentation de l’Egypte ancienne dans l’œuvre d’artistes de la diaspora africaine“. Des artistes afro-américains, surtout, qui “s’inspirent de l’Egypte antique pour exprimer leur esprit de résistance et leur quête spirituelle“. Elle a été montée par un commissaire passionné de musique et d’origine égyptienne dans ce musée archéologique à 30 minutes d’Amsterdam, dont les archéologues participent depuis 50 ans aux fouilles et à la mise en valeur de la nécropole de Saqqarah, au Sud du Caire.
“Falsification de l’histoire”
Mais pour le service égyptien des Antiquités, cette exposition “falsifie l’histoire“, avec une approche “afro-centriste“. Il dénonce une “appropriation de la culture égyptienne” avec une volonté d’assimiler l’héritage de l’Egypte antique avec la culture noire. Preuve que l’affaire est prise très au sérieux, l’Egypte a interdit l’accès de ses sites aux archéologues du musée néerlandais, qui a reçu de son côté une avalanche de critiques sur les réseaux sociaux, souvent teintés de racisme. Mais pas question d’annuler ou de changer l’exposition. Le Musée de Leyde déplore un regain de nationalisme et de racisme anti-noirs en Egypte, où le sujet est ultra-sensible.
En avril, une série de Netflix avec une reine Cléopatre incarnée par une actrice noire a enflammé le Parlement égyptien. Le pays est échaudé aussi par l’utilisation maladroite ou commerciale de référence à l’Egypte – ancienne ou moderne – par certains artistes afro-américains, à l’instar de la chanteuse Beyonce, crop-top et sweet à capuche avec une coiffe de Nefertiti pour une de ses collections ou la reprise de la musique de l’Égyptienne Oum Kalthoum, égérie du pan-arabisme et femme très pieuse, pour ouvrir son tube Naughty girl, “fille coquine” en bon français.