










Par Samir Abdel-Ghany
Le Syndicat des Journalistes du Caire s’est transformé en un temple artistique le temps d’une célébration exceptionnelle, marquant le centenaire de la naissance de l’immense Fouad El Mohandes. Pour rendre hommage à ce monument du théâtre et du cinéma égyptiens, une exposition unique de caricatures a réuni des talents de tout horizon, offrant au public un regard à la fois drôle et tendre sur celui qui, des décennies durant, a fait rayonner l’humour avec élégance.
Sous l’égide de Mahmoud Kamel, membre du conseil d’administration du syndicat, cette rétrospective a vu le jour dans le cadre du Salon du Livre organisé par l’institution. À la baguette, Amr Abdel Atty, artiste et responsable de la section caricature du journal *El Fagr*, qui a orchestré l’événement avec une passion palpable. Quinze artistes, parmi les plus éminents du monde de la presse, des magazines et des plateformes numériques, ont prêté leurs talents pour donner vie à ce projet. Parmi eux, des maîtres de la caricature tels que le regretté Moustafa Hussein et Moustafa El Sheikh, ont immortalisé, à travers leurs coups de crayon, l’esprit joyeux et l’âme généreuse de Fouad El Mohandes.
L’inauguration de l’exposition a été faite en grande pompe par Khaled El Balshi, président du syndicat des journalistes, en compagnie de Mohamed El Mohandes, fils du regretté comédien, et du réalisateur Mohamed Abou Daoud. Le vernissage s’est déroulé sous les yeux émerveillés d’un public nombreux, rassemblé pour honorer la mémoire d’un homme dont le rire a touché tant de générations.
Un colloque s’est tenu en parallèle de l’exposition, animé par le critique littéraire Ayman El Hakeem, qui a permis d’explorer l’héritage artistique et humain de Fouad El Mohandes. Mohamed Abou Daoud et Mohamed El Mohandes y ont livré des témoignages vibrants, mêlant souvenirs personnels et réflexions sur l’œuvre du comédien. Ému aux larmes, Mohamed El Mohandes a exprimé sa profonde gratitude pour cette reconnaissance posthume envers son père, notamment en découvrant des portraits réalisés par le grand caricaturiste Mustafa Hussein et l’illustre portraitiste Khalaf Tayeh. Chaque œuvre exposée, a-t-il souligné, capturait à sa manière l’essence du rire et la malice de Fouad El Mohandes, comme si l’âme joyeuse de l’acteur continuait de résonner à travers ces images.
La table ronde a également permis de revenir sur le rôle fondamental que Fouad El Mohandes a joué dans plusieurs sphères de la culture populaire égyptienne. À la radio, il a laissé une empreinte indélébile avec l’émission mythique *Kelemtine We Bass* (Deux mots seulement), devenue un modèle de satire sociale. Sur les planches, il a brillé en tant que pionnier du théâtre social satirique, dénonçant avec humour les travers de la société tout en respectant la dignité de ses concitoyens. Ses collaborations avec Chouikar ont donné naissance à un duo iconique, régnant sans partage sur la comédie égyptienne pendant des décennies.
Mais le génie de Fouad El Mohandes ne s’est pas arrêté au théâtre. Au cinéma, il a joué dans près de soixante-dix films, aussi bien dans des seconds rôles que dans des premiers, devenant un visage familier du grand écran. Des œuvres telles que *Ard El Nifaq* (Le Pays de l’Hypocrisie) et *El Ataba Gazaz* (Le Seuil de Verre) restent à ce jour des références incontournables du cinéma égyptien. Son amour pour les enfants, qu’il n’a jamais caché, l’a également poussé à créer les célèbres *Fawazir Amo Fouad*, ces émissions ludiques que des générations d’enfants ont suivies avec dévotion à travers tout le monde arabe.
Né le 6 septembre 1924 dans le quartier historique d’Abbassia au Caire, Fouad Zaki El Mohandes a grandi dans un foyer baigné d’érudition. Son père, Zaki El Mohandes, éminent linguiste, lui a transmis non seulement l’amour de la langue arabe, mais aussi une curiosité intellectuelle et un sens aigu de l’observation, qui allaient forger l’artiste qu’il est devenu. Son passage à l’université a marqué le début de sa carrière théâtrale, et après avoir été remarqué par le grand Naguib El Rihani, Fouad a entamé un parcours qui allait redéfinir le paysage culturel égyptien.
Malgré une carrière prolifique au cinéma, son amour pour le théâtre ne l’a jamais quitté. Même affaibli par une crise cardiaque, il continuait à monter sur scène, jouant dans *Ennahaqan Aila Mohtrama* (C’est vraiment une famille respectable) aux côtés d’Amineh Rizk et de Chouikar. Le théâtre, disait-il, était son véritable remède.
Fouad El Mohandes s’est éteint en septembre 2006, laissant derrière lui une empreinte indélébile dans l’histoire artistique de l’Égypte. Son rire, son humour délicat et son humanité continueront à illuminer la culture égyptienne pour les générations à venir. À travers cette exposition, son esprit revit, tout en nous rappelant la puissance intemporelle de l’art et du rire, deux armes précieuses contre les maux de la société.