“Le pacte de l’eau “
Après La porte des larmes, Abraham Verghese revient avec un roman d’une rare ambition. Le pacte de l’eau (Flammarion) est une fresque romanesque, une saga familiale, qui nous emmène en Inde au début du siècle dernier. Une jeune fille va connaître le jour le plus triste de sa vie. Ensuite, cela ne pourrait que s’arranger. Elle se marie avec un homme aisé d’une quarantaine d’années. À travers son parcours, on assiste aux bouleversements de son quotidien, de son parcours intimement lié à celui de son pays. L’une des forces d’Abraham Verghese, en plus de son écriture d’une redoutable efficacité, est de capter l’attention du lecteur dès les premières pages pour ne jamais le lâcher. On est à la fois totalement dépaysé et complètement fasciné par cette série de tableaux d’une société indienne en devenir. Impressionnant.
“Tout le bruit de Guéliz”
Il était une fois un bruit à Guéliz. Ruben Barrouk signe, à 27 ans, un premier roman d’une rare élégance et d’une grande maturité. En 2022, le jeune auteur repart avec sa mère à Marrakech pour rejoindre sa grand-mère qui se plaignait d’entendre un bruit incessant et invasif. Écrit comme un conte, Tout le bruit de Guéliz (éditions Albin Michel) dit un passé à la fois récent et millénaire, un passé qui ne demande qu’à habiter de nouveau le présent. Ruben Barrouk, avec beaucoup de finesse et de tendresse, redécouvre sa famille séfarade, il est l’homme qui entend le bruit, le fracas de l’histoire et le murmure de l’intime. Car le bruit “sauve de l’oubli” pour celui qui sait tendre l’oreille. Et ouvrir son cœur. Tout le bruit de Guéliz, subtil et généreux.
“Zone base de vie”
En passant devant un chantier où se dressaient des Algeco avec des panneaux « Zone base vie » en Normandie, Gwenaëlle Aubry a une inspiration. Elle a trouvé le titre et la forme littéraire pour parler de l’expérience de la pandémie. Comme Georges Perec, elle va s’intéresser à la vie mode d’emploi d’un immeuble. Huit personnages confinés évoluent dans ce bâtiment situé dans une rue fictive et dans une ville non nommée. Comment évoluent-ils dans leur environnement ? Quel est leur rapport à l’extérieur ? Au politique ? Au réel ? Derrière l’écrivaine, on devine la philosophe qui élargit son œuvre à divers territoires et explore le temps et l’espace. Les personnages se heurtent à un univers rétréci, se retrouvent face à leur individualité. L’œuvre de Gwenaëlle Aubry a une portée politique certaine. Troublant.
“Oubliés”
C’est un pan peu connu de l’histoire portugaise que l’on découvre avec Oubliés (éditions Hervé Chopin), roman au souffle épique de J.R. dos Santos. L’écrivain s’intéresse au sort d’une poignée de soldats dans les tranchées des Flandres pendant la Grande Guerre. Qu’est-ce qui a pu mener le jeune Alfonso, né dans la campagne portugaise, à s’engager dans l’armée pour se retrouver en 1917 à Brest ? Le jeune idéaliste se retrouve sur la ligne de front, loin de tout. De son enfance, de ses rêves, de ses idéaux… J.R. dos Santos signe un grand roman populaire, au noble sens du terme. Oubliés s’attache à décrire une époque révolue avec une précision chirurgicale. L’auteur s’attache à rendre ses personnages vivants, émouvants dans leur humanité. Oubliés, une épopée fantastique.