Par Ghada Choucri
Le député égyptien et personnalité médiatique, Moustafa Bakri, avait exhorté mars dernier les autorités de contrôle et le Conseil supérieur de régulation des médias à intervenir promptement afin de sauvegarder les valeurs de la société égyptienne dans les œuvres dramatiques télévisées. Cet appel était à la suite des dernières déclarations du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi à propos du contenu présenté dans les médias et les séries dramatiques égyptiennes, lors de son discours lors des célébrations de la femme égyptienne et de la mère idéale.
S’exprimant lors de son émission “Hakayek wa Asrar” (Faits et Secrets) diffusée sur la chaîne Sada El Balad, M. Bakri a lancé un appel direct aux responsables de la censure : “Messieurs de la censure, ne permettez pas à une série télévisée de porter atteinte aux valeurs de la société égyptienne. Le Conseil supérieur de régulation des médias doit agir immédiatement et prendre des décisions fermes. Aucune série ne devrait être validée si elle contrevient à nos principes.”

Le député a exprimé son espoir de voir émerger dans la période à venir des productions dramatiques “respectables” qui mettent en lumière les rôles nationaux, l’histoire des figures emblématiques de la société égyptienne et les valeurs authentiques de la nation. “Si une société se désagrège de ses valeurs et de son éthique, tout est perdu”, a-t-il averti.
M. Bakri a également plaidé pour un retour aux films en noir et blanc et au théâtre des années 1960 comme modèles à suivre pour créer des œuvres qui aideraient les nouvelles générations à préserver les valeurs et les principes fondamentaux enseignés au sein de la famille, soulignant le rôle ambivalent que peut jouer le drame dans ce processus.
Il a par ailleurs indiqué que la première concrétisation des récentes déclarations du président égyptien Abdel Fattah El-Sissi concernant le drame s’était traduite par un accord pour la production d’une série télévisée sur Talaat Harb, figure marquante de l’économie égyptienne. “C’est ce que nous voulons. Nous souhaitons voir une personne comme l’artiste Sameh Hussein présenter une œuvre de cette nature. Nous en avons besoin, nous devons voir des productions qui mettent en avant nos principes essentiels et les valeurs familiales”, a-t-il déclaré.

La production dramatique peut-elle devenir un véritable instrument de “soft power” ?
Plusieurs entités clés sont actuellement mobilisées pour réfléchir à la manière de développer la production dramatique égyptienne afin qu’elle devienne un véritable instrument de “soft power” pour le pays. Parmi ces acteurs figurent notamment les Conseils nationaux des médias, le Conseil supérieur des universités, ainsi qu’un certain nombre de partis politiques et d’organisations de la société civile, dont l’Organisation arabe pour le dialogue, qui a publié cette semaine une étude intitulée “Le drame de Ramadan 2025 à la loupe”.
L’ensemble de ces instances, en réponse à l’appel de la direction politique pour le développement des médias, sont animées par un sentiment de responsabilité nationale et le désir de soutenir la production dramatique afin qu’elle contribue à l’édification, au développement et à la réalisation des objectifs de l’État égyptien.
Aborder la question de la production dramatique égyptienne nécessite de partir de principes fondamentaux. Premièrement, il est crucial de souligner que cette discussion ne vise pas à restreindre la liberté de création et de pensée, mais plutôt à encourager la production d’un drame qui exprime sincèrement la réalité égyptienne et aborde les problèmes de la société avec professionnalisme, tout en renforçant l’identité nationale et le sentiment d’appartenance, dans le respect des valeurs morales et civilisationnelles établies.
En réalité, un examen de la scène dramatique actuelle impose de reconnaître, en toute objectivité, l’existence d’un certain nombre d’œuvres dramatiques de qualité, témoignant d’efforts louables et traitant de problèmes sociétaux réels. Ces productions se distinguent par leur jeu d’acteur, leur réalisation et leurs tentatives sérieuses d’interaction et d’engagement avec la société.
Cependant, ces œuvres restent minoritaires par rapport au nombre beaucoup plus important de productions dont le contenu tend à déformer l’image de la société égyptienne et à encourager la violence, le crime, les dissensions et les superficialités.
Des études indiquent que plusieurs variables influencent cette production dramatique et sa qualité. Parmi les plus importantes figurent les types et les modèles de propriété des sociétés de production dramatique, qu’elles soient égyptiennes ou étrangères. Un observateur attentif peut clairement identifier l’impact de cette variable en analysant des œuvres dramatiques spécifiques produites par des sociétés non égyptiennes et le contenu négatif qu’elles proposent.
Parmi les autres facteurs contribuant au déclin de la qualité de la production dramatique figurent la faiblesse des scénarios et de la construction dramatique, l’absence d’intrigue cohérente, l’utilisation répétée de clichés et de sujets stéréotypés, la primauté accordée à la dimension commerciale au détriment de la créativité artistique, le manque de recherche et de documentation, ainsi que la performance parfois insuffisante de certains acteurs.
Néanmoins, il est certain que malgré la présence de quelques œuvres positives et d’un grand nombre de productions négatives, la scène dramatique actuelle nécessite une réorganisation afin d’atteindre les objectifs escomptés en matière de soutien au processus de développement et de construction dans la Nouvelle République.
Conférence nationale sur le drame et les valeurs sociétales prévue au Caire
Une importante conférence nationale sur le rôle du drame dans la promotion des valeurs sociétales se tiendra le mardi 22 avril 2025 au siège de l’Autorité nationale des médias, dans le bâtiment de la Radio et de la Télévision à Maspero.
Selon Hussein El-Mosalamy, président de l’Autorité nationale des médias, la tenue de cette conférence fait suite à la vision exprimée par le président Abdel Fattah El-Sissi lors de son discours prononcé au dîner de rupture du jeûne (iftar) des forces armées pendant le mois de Ramadan. Le chef de l’État avait alors souligné la nécessité de renforcer les valeurs et de contrer les vagues de violence, de criminalité, de toxicomanie, d’incitation aux conflits sociaux, de promotion de la vulgarité verbale, de déviance comportementale et de destruction des valeurs familiales.
Le président de l’Autorité nationale des médias a ajouté que la conférence réunira des écrivains, des réalisateurs, des producteurs, ainsi que des experts en psychologie, en sociologie, en science politique et en économie. Les recommandations issues de cette rencontre seront ensuite soumises aux institutions concernées.