“El-Sajjadah” est le mot arabe pour désigner le tapis de prière. Achetable et non-jetable, cet objet de grande importance chez les fidèles, car témoin des moments de haute spiritualité lors de la prosternation (sujud) pendant la prière, le tapis a une histoire et parfois des souvenirs dans les maisons, les mosquées et chez chaque musulman.
“Heureux est celui qui regarde dans le miroir de sa prière et de son adoration”. Ces paroles sont écrites sur le plus fameux des tapis de prière dans l’Histoire, celui du Prophète Idriss, et qui est fait de nattes. Le tapis de prière est ce produit qui a toujours eu une importance spirituelle pour les musulmans. Le Prophète Mohamed (Paix et Salut sur Lui) priait sur ce que l’on appelait “Al-Khumra”. “Al-Khumra est donc un petit tapis de prière fait des feuilles de palmier. Les savants religieux disent qu’Al-Khumra est un tapis en osier utilisé par les gens pour faire la prière et se prosterner dessus. Sa taille, chez certains, ne dépasse pas la taille du visage, alors que chez d’autres, il est un peu plus grand.
Plusieurs évolutions
Le tapis de prière a revêtu une importance particulière depuis l’année dernière, au vu de la pandémie du coronavirus. Il est donc devenu une nécessité sans laquelle le fidèle ne pourra pas faire sa prière à la mosquée pour se protéger contre la propagation de la maladie. “El-Sajjadah” a passé donc par plusieurs évolutions, depuis qu’on le fabriquait manuellement et les artisans excellaient dans les broderies faites sur le tapis, jusqu’à l’entrée de la nouvelle technologie, pour transformer ce bout de tissu d’une oeuvre artisanale en un produit intelligent, aidant le fidèle dans sa prière pour l’accomplir sans oubli, faute ou omission. Le mot arabe “El-Sajjadah” est dérivé du “sujud” (prosternation). Dans le Maroc arabe, on appelle le tapis de prière “zériba”. Ce mot a été cité dans le Coran dans la sourate Al-Ghashiya. Dieu le ToutPuissant dit : «Ce jour (de la résurrection), il y aura aussi des visages resplendissants. Satisfaits de leurs œuvres qu’ils ont accomplies dans ce monde. Ils seront dans un Paradis haut placé. Ou l’on n’entendra aucune futilité. Il y aura là des sources d’eaux coulantes. ll y aura là des divans élevés. Et des coupes posées devant eux. Des coussins rangés les uns à côté des autres. Il y aura des tapis précieux étalés.”
Le rang social
Les matières premières dont est fabriqué le tapis de prière ont été diversifiées. Depuis les feuilles de palmiers, en passant par les nattes et aussi le cuir. Le tapis est aussi fabriqué de laine et soie. D’après le matériel du tapis, l’on pourrait déterminer le rang social de l’utilisateur, c’est que les personnes appartenant aux classes sociales aisées, choisissent les tapis fabriqués à partir des plus hautes qualités de soie, de laine ou de coton. Avec le temps, le matériel de fabrication du tapis de prière a varié entre velours et autres sortes de tissus luxueux et de marque aussi. Et d’habitude, le matériel du tapis est influencé par l’environnement dans lequel il a été fabriqué. C’est que dans les régions où les vents poussiéreux soufflent souvent et dans les zones rurales, il est préférable d’utiliser un tapis fabriqué à partir de matières végétales. Alors que dans les maisons modernes, l’on utilise les tapis fabriqués à partir de fibres artificiels, de laine ou de soie.
Documentaire de tapis ottomane
Le Musée d’art islamique à Bab al-Khalq au Caire documente une collection de tapis appartenant à l’ère ottomane, et aussi des tapis iraniens et égyptiens. Le livre “Le voyage d’un tapis de prière au fil de l’Histoire”, édité par le Centre de recherches sur l’histoire, l’art et la culture islamiques, Istanbul, Turquie, présente une documentation académique et historique pour une collection de tapis de prières, reflétant les différentes ères historiques, par lesquelles “El-Sajjadah” a passé, depuis sa fabrication et son industrialisation manuelle dans les pays de l’Asie Centrale, la Turquie, l’Iran, le Maghreb Arabe et l’Egypte. Le livre parle aussi de la floraison de cette industrie en plus des matières premières dont sont fabriqués les tapis, ainsi que des broderies faites pour présenter de différents modèles de tapis. Cette pièce de tissu sous forme rectangulaire et dont les deux extrémités sont souvent garnies de frange, a souvent un contour formé de motifs floraux. Mais le designer cherche à ne pas excéder dans ces décorations, pour garder la cohérence et la sérénité, tout comme le mihrab de la prière qui indique la qibla à La Mecque. Donc, l’essentiel dans la fabrication des tapis de prière était d’éviter les couleurs criantes et les motifs exagérés, afin que ces facteurs ne soient pas source de distraction lors de la prière. Cependant, “El-Sajjadah”, avec le temps, est devenu petit-à-petit parfois un objet de luxe avec riches garnitures. Le tapis de prière est lié donc à l’art islamique au niveau des décorations, des broderies et des formes géométriques et botaniques. L’on trouve également des tapis de prière qui ressemblent à la kiswa de la Kaaba (étoffe de tissu couvrant la Kaaba). L’on constate alors que le tapis de prière reflète souvent l’identité de son artisan et son lieu d’origine. A chaque tapis son trait caractéristique qui dit autant de son fabricant et du pays auquel il appartient, pour incarner ainsi la diversité culturelle et sociale de la société islamique
Symboles islamiques
Parmi les symboles islamiques utilisés en tant que motifs de décoration du tapis de prière, figurent entre autres, le mihrab, le minaret et la voûte. Les plus anciens “Sajjadah” remontent au 15e siècle. Ils sont composés de 3 pièces qui ont été sauvegardées au Musée turc d’art islamique. Ces pièces appartenaient aux Seljuks d’Anatolie qui étaient au pouvoir au 13e siècle. Ce sont eux qui ont établi les critères idéaux pour fabriquer un tapis de prière. Critères qui ont été plus tard répandus dans le monde islamique. Le tapis des Seljuks était donc un tissu avec de grandes dimensions. Il était décoré par des motifs géométriques simples, et était composé d’un petit nombre de couleurs calmes. Le contour était décoré de formes d’écriture koufie. A présent, et avec l’introduction de la technologie moderne, le matériel et les designs de tapis de prière ont changé. L’on entend donc parler du “tapis médical”. Celui-ci ressemble à un tapis ordinaire, mais est fourré d’un matériau souple qui facilite l’exécution des mouvements de la prière, notamment pour les personnes âgées et celles souffrant de maladies articulaires. Une société saoudienne a également introduit un tapis de prière qui aide à la révérence et donne un certain repos au fidèle, puisque le tapis redistribue le poids du corps entier uniformément sur toutes les parties entre le tapis et le corps. Aussi entend-on parler du “tapis smart”, doté de systèmes et de sortes de capteurs, pour surveiller les différentes étapes de la prière, dont notamment les “raka’a” et les “sujuds”. Cela se fait à l’aide d’un panneau électronique, attaché au tapis, sur le lieu où la tête touche le tapis lors de la prosternation. Ce tapis intelligent est également programmé avec un intervalle de temps entre la première et la deuxième prosternation, de sorte que le tapis n’enregistre que la réelle prosternation pendant la prière. Le fidèle est alerté alors pendant la prière contre tout oubli ou erreur commise, s’il est distrait par exemple parce qu’il pense ailleurs, ou même s’il est victime d’ignorance quant aux principes et dispositions de la prière et des prosternations.