Possession, fusion, dévalorisation, négligence,
violence, certaines relations mère-enfant sont
sources de souffrance et laissent de lourdes cicatrices à l’âge adulte. Difficile pour autant de
mettre un nom sur ce rapport nocif et d’accepter
que notre mère puisse être toxique. Anne-Laure
Buffet, thérapeute, auteure et spécialiste du
sujet, nous explique sur le site doctissimo.fr
comment en reconnaître les signes et donne des
clefs pour se libérer de cette emprise.
Par: Marwa Mourad
Les signes
La toxicité a plusieurs visages, d’où la difficulté à pouvoir la nommer. De manière générale, on désigne, par “mère toxique”, une mère qui ne sait pas tenir compte de l’individualité et de la personnalité de son enfant. Tournée vers ses propres besoins, elle utilise l’enfant pour son principal profit et, au lieu de favoriser son bon développement, va contribuer petit à petit à le détruire. Cela peut ainsi se manifester de diverses manières :
Par une possessivité excessive allant jusqu’à la fusion et la perte d’identité de l’enfant, celui-ci étant “absorbé” par sa mère ;
Par de la négligence (la mère néglige les besoins essentiels de l’enfant, en terme de soin, d’éducation, d’émotions, de protection et mise en sécurité…) ;
Par une intrusion dès le plus jeune âge dans la vie de l’enfant (la mère étouffe son bébé de câlins, ne lui laisse pas de liberté, veut tout savoir de sa vie lorsqu’il grandit, ne lui laisse aucun espace pour respirer à l’adolescence ou à l’âge adulte…) ;
Par un non-respect de la parole de l’enfant (la mère ne le croit pas, remet en cause sa parole, donne plus de crédit à la parole d’un(e) autre (frère, sœur, père, enseignant), ce qui conduit à retirer à l’enfant toute confiance en sa propre parole) ;
Par une confusion des générations, allant jusqu’à l’incestuel : l’enfant devient malgré lui un confident et se doit de tout entendre (dénigrement de son père, vie personnelle et sexuelle de sa mère par exemple) ;
Par un contrôle excessif (l’enfant n’est libre ni dans sa pensée, ni dans son comportement) ;
Par de la violence physique mais aussi psychologique et verbale (l’enfant se voit signifier qu’il n’a pas été désiré, qu’il n’est pas aimé et qu’il est un empêchement majeur dans la réalisation de la mère : “J’aurais mieux fait d’avorter”, “Si tu n’étais pas là, j’aurais pu”, “à cause de toi…”)
Loin d’être uniquement phénomène mère-fille
On a coutume d’évoquer les rapports mères-filles quand on parle de toxicité. En réalité, les garçons sont loin d’échapper à ce phénomène : eux aussi peuvent être sous l’emprise de leur mère toute leur vie. “Petit, l’enfant a du mal à reconnaître le comportement anormal de sa mère, note la spécialiste. Ce n’est qu’à l’adolescence que l’enfant peut percevoir ce comportement comme dangereux pour lui et seulement à l’âge adulte qu’il est capable de se dire qu’il est véritablement toxique, pour peu qu’il ait lu ou entendu des choses à ce sujet. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il comprend intellectuellement qu’il peut s’en détacher affectivement. L’emprise est souvent si forte qu’elle demeure même en ayant conscience qu’elle existe”.Garçons ou filles, les conséquences de cette toxicité seront en partie les mêmes. Ayant grandi sans reconnaissance, l’enfant devient un adulte qui doute et se rabaisse en permanence. Mal dans sa peau, peu sûr de lui, il souffre d’un manque profond d’estime de soi et de confiance en soi. La relation à soi et aux autres, dans tous les domaines (personnel, social, professionnel…), se révèle compliquée.
“Dans son affirmation identitaire, il existe cependant une différence entre les filles et les garçons : à quelle femme la petite fille va-t-elle s’identifier, de quelle femme va-t-elle se séparer ? Idem pour le garçon : quelles croyances et convictions liées à l’image de la “femme” peut-il construire si sa mère est dysfonctionnelle ?”, soulève le thérapeute.“Une mère tyrannique ou possessive le sera toujours avec son enfant adulte”Le parcours est semé d’embûches et les échecs sont nombreux, parfois dus à de l’auto-sabotage. “L’adulte peut endosser son rôle de victime toute sa vie ou possiblement devenir bourreau à son tour, en étant par exemple un manager ou un conjoint toxique”, précise Anne-Laure Buffet. Dans tous les cas, la toxicité maternelle se répercute, d’une manière ou d’une autre, sur la vie d’adulte.
Quant à la relation avec la mère, elle est toujours la même – ou presque – que celle que nous avions avec elle, enfant. “Une mère tyrannique ou possessive le sera toujours avec son enfant adulte, martèle la spécialiste. C’est là toute la difficulté : la toxicité s’ancre dans le temps. Le risque de manipulation est toujours là : l’emprise est telle que l’adulte se sent ligoté”.
Comment expliquer cette toxicité ?
Une mère qui empoisonne ainsi la vie de son enfant est forcément une mère qui souffre. Le plus souvent, elle reproduit un schéma vécu durant sa propre enfance. Ayant souffert d’un manque de soins, ayant été confrontée à des violences ou à un traumatisme qu’elle n’a pas réussi à surmonter, elle ne sait tout simplement pas être une mère à son tour. “Il faut aussi prendre en compte le contexte dans lequel elle a mené sa maternité, évoque Anne-Laure Buffet. Un enfant issu d’un viol ou d’un devoir, par exemple, peut être un enfant dont il est difficile de s’occuper”