Pr. Tamer Faïz
Professeur de littérature moderne et comparée à l’Université du Caire
Conseiller artistique de la Faculté des Lettres – Université du Caire
(1)
Sous la direction minutieuse de l’écrivain aux multiples expériences artistiques, Walid Alaa El-Din, et du jeune metteur en scène prometteur, Hossam El-Sayyad, le théâtre Nihad Saliha de l’Académie des Arts a présenté, le soir du mardi 10 septembre, la pièce de théâtre “Woshi x Woshik” (Face à face), inspirée du roman de Walid Alaa El-Din, *El-Ghameeda* (*La Cachette*), qui a redonné à la technique du masque théâtral sa splendeur d’antan.
Le début du spectacle a évoqué la domination de la technique du masque, une forme artistique centrale au cœur de la pièce, reflétant la vision de l’auteur sur les manières d’aborder et de discuter les problèmes de la société. Cette technique a également attiré l’attention du public, curieux de découvrir les personnages cachés derrière ces masques.
Deux éléments artistiques ont accentué la fascination et l’inspiration dès le début de la représentation : la performance impressionnante de la troupe théâtrale, divisée en deux sous-groupes masqués, incarnant les affrontements et interactions reflétant les conflits humains généraux et les luttes sociales spécifiques que la pièce aborde. Le second élément réside dans la musique et le chant, exécutés en direct devant les spectateurs, plongeant le public dans une grande attente pour découvrir l’intrigue dramatique à venir.
Malgré cette atmosphère d’illusion artistique classique, la rupture de l’illusion a dominé l’ensemble du spectacle, intégrant le public comme élément central du théâtre. Le metteur en scène Hossam El-Sayyad a utilisé diverses techniques occidentales pour briser ce “quatrième mur”, une démarche précédemment explorée par l’Allemand Bertolt Brecht et l’Italien Pirandello dans leurs œuvres théâtrales. L’adresse du chef de la chorale au public ou au metteur en scène devant les spectateurs en sont des exemples marquants.
El-Sayyad a également renforcé la rupture de l’illusion dramatique en élaborant ce qu’on pourrait appeler une “pièce-cadre”, illustrée par deux enfants, un garçon et une fille, qui ont brillamment endossé des rôles semblables à ceux de la chorale théâtrale, commentant l’action et introduisant les transitions entre les différentes scènes de conflit dramatique.
Les techniques théâtrales intégrées par Walid Alaa El-Din dans sa pièce ne se limitaient pas à l’effet de distanciation ; le metteur en scène a également introduit des techniques qui ont mis en avant les spécificités de la scène, rapprochant la structure de la pièce de celle d’un théâtre de chambre. La scénographie jouait sur la synchronisation et la division spatiale des événements, notamment grâce à un éclairage de haute précision, guidant sans confusion l’attention des spectateurs d’un événement à l’autre.
(2)
Ces techniques n’ont pas été utilisées dans “Woshi x Woshik” uniquement pour mettre en valeur les compétences des acteurs et du metteur en scène, mais elles ont été déployées pour explorer le thème central de la pièce : la quête de la liberté humaine en général et de la liberté individuelle en particulier.
Ces thèmes sont omniprésents dans l’œuvre de Walid Alaa El-Din, qu’il s’agisse de ses poèmes, romans ou pièces de théâtre. Sa capacité à exprimer ces concepts, en adaptant son approche en fonction des spécificités de chaque forme artistique, en fait la richesse.
La pièce se concentre sur le parcours de Saada, la protagoniste, à la recherche de sa liberté individuelle face à diverses formes d’oppression : la perte de ses parents, la pression sociale exercée par des proches, comme son amie Hala, pour l’obliger à épouser quelqu’un qu’elle ne désire pas, en se détournant de l’homme qu’elle aime simplement parce qu’elle a atteint l’âge de trente ans, comme si ce moment marquait la fin de son droit de choisir.
Cet oppressement est illustré par des techniques de flashback qui révèlent la répression subie par Saada depuis son enfance, ainsi que par la musique et les chansons poignantes qui soulignent la souffrance de la jeune femme, transformant son expérience en une tragédie sociale contemporaine. Ni l’auteur ni le metteur en scène n’ont cherché à imposer une conclusion définitive ou un point de vue sur cette question ; la pièce se termine de manière ouverte, invitant le public à réfléchir à des solutions possibles, renforçant ainsi la dimension occidentale que toutes les techniques de la pièce mettent en avant.
(3)
Il est difficile pour un spectateur de “Woshi x Woshik” de formuler un avis sans évoquer les efforts considérables déployés par l’équipe pour présenter la pièce sous son meilleur jour, que ce soit les acteurs qui ont joué leurs rôles avec un grand professionnalisme, sans exagération ni lacune, les musiciens, les compositeurs des chansons, les coachs des acteurs, les assistants du metteur en scène, ou encore Hossam El-Sayyad, dont le travail acharné a fait honneur au théâtre égyptien contemporain.
Quant à l’auteur Walid Alaa El-Din, il continue par ses diverses œuvres littéraires à déconstruire les idées, à les reconstruire, vivant pleinement son humanité à travers l’art, et se rapprochant sans cesse des problématiques de sa société, qu’il n’a jamais quittée, ni intellectuellement ni émotionnellement.