Au bord d’un grand lac scintillant vivait un canard nommé Gaspard. Son plumage était lisse, son bec bien aiguisé et ses pattes palmées glissaient sur l’eau avec une aisance qu’il adorait exhiber. Mais Gaspard avait un défaut : il parlait trop, surtout pour vanter ses mérites.
— Regardez-moi ! clamait-il en bombant le torse. Je nage plus vite que n’importe qui, je suis le meilleur plongeur, et mon cri est le plus puissant de tout le lac !
Les autres animaux du lac, des cygnes aux grenouilles, en passant par les poissons et les hérons, soupiraient en l’entendant. Gaspard ne cessait de minimiser leurs efforts.
— Ah, toi, petite grenouille, croasser est bien plus facile que cacarder avec élégance comme moi !
— Poisson, plonger sous l’eau ? Quelle simplicité ! Moi, je plonge ET je ressors en éclaboussant avec style !
Un jour, un fort vent se leva, et un tronc d’arbre tomba dans le lac, bloquant la petite rivière qui alimentait l’étang. L’eau commença à stagner, devenant trouble et peu à peu inhabitable. Les poissons suffoquaient, les grenouilles peinaient à respirer, et même les cygnes trouvaient leur eau de baignade désagréable.
Il fallait dégager le tronc ! Les castors se mirent à ronger le bois, les grenouilles sautèrent en rythme pour le faire basculer, les poissons poussèrent de leur mieux sous l’eau, et même les hérons utilisèrent leur bec pour soulever les branches.
Pendant ce temps, Gaspard restait sur le côté, observant avec un air supérieur.
— Vous vous agitez pour rien, mes amis. Si quelqu’un doit s’occuper de ce problème, c’est bien moi, le plus habile du lac !
Mais lorsqu’il tenta de pousser le tronc avec son bec, il glissa et tomba maladroitement dans l’eau boueuse. Ses belles plumes se couvrirent de vase, et son cri, d’habitude si fier, fut noyé par un gargouillement ridicule.
Voyant cela, les autres animaux rirent doucement, mais sans méchanceté. Puis, sans un mot, ils poursuivirent leur travail. Grâce à leurs efforts collectifs, le tronc finit par se détacher, et l’eau reprit son cours.
Gaspard, penaud et sale, comprit enfin. Il se hissa sur la rive et dit, d’une voix bien plus humble :
— Je… je crois que j’ai eu tort. Vous avez tous accompli quelque chose d’important, et moi, je n’ai fait que parler.
Les grenouilles coassèrent de joie, les poissons sautillèrent hors de l’eau, et même les cygnes lui adressèrent un regard complice.
Dès ce jour, Gaspard apprit à écouter et à respecter les efforts des autres. Il resta un canard habile, mais plus jamais il ne minimisa les talents de ceux qui l’entouraient.
Morale : Celui qui se croit le meilleur seul finira toujours par être dépassé par ceux qui unissent leurs forces.