Par Marwa Mourad
En ce mois de janvier souvent synonyme de déprime saisonnière, pas sûr que les grands romans étrangers qui viennent de débarquer dans les librairies françaises soient susceptibles de nous réchauffer le cœur. Il y est énormément question de violences intrafamiliales, de rancœurs en tous genres et de la façon dont des vies théoriquement enviables peuvent à tout moment se muer en absolus cauchemars. Pourtant, ces romans manient la tristesse et la détresse avec tellement de personnalité qu’il serait vraiment dommage de s’en détourner. Aucune complaisance qui tienne : tous donnent à voir le monde sous un regard neuf, parvenant pour certains à sublimer le sordide. Une même histoire peut être racontée de mille milliards de façons différentes, et c’est là tout le prodige de la littérature. Prodige auquel participent, chacun à sa façon, ces ouvrages de grande classe –auxquels il faut adjoindre ces romans francophones que l’on vous recommande tout autant.
«Ootlin»
« Ceci est une histoire qui parle d’histoires. Les histoires que les autres nous racontent sur qui nous sommes. » Les services sociaux ont voulu écrire celle de Jenni Fagan avant même qu’elle soit née. Séparée de sa mère, psychotique, dès sa naissance, elle avait déjà connu 14 maisons d’accueil et changé de nom à de nombreuses reprises à l’âge de 7 ans.
Vingt ans après avoir essayé de raconter son histoire pour la première fois, l’auteure nous livre dans Ootlin un récit d’une force inouïe : sans misérabilisme, elle se réapproprie sa vie d’enfant du système, d’abandons en adoptions aberrantes, la fuite dans la délinquance et la drogue, puis la découverte salvatrice de l’art, de la musique, des livres et du pouvoir des histoires.
Un chef-d’œuvre littéraire qui vous prend par le cœur et qui rappelle les mots de James Baldwin : « Vous pensez que votre douleur et votre cœur brisé sont sans précédent dans l’histoire du monde, mais ensuite vous lisez. »
«Les Terres indomptées»
«À travers une fente de la haute palissade noire, trop fine, semblait-il, pour laisser passer une personne, la jeune fille se faufila jusqu’aux vastes, jusqu’aux terribles terres sauvages. »
Une jeune fille semble perdue au cœur de la forêt la plus obscure. Nous sommes au XVIIe siècle, sur un territoire qui deviendra les États-Unis. Elle vient de s’échapper, elle court loin de la servitude et des brimades. Maintenant, il faut survivre.
Dans ce conte sauvage, une fille sans avenir brave toutes les violences et s’affirme en désobéissant pour devenir, au gré des épreuves, une véritable héroïne. Les Terres indomptées est un grand roman d’aventures, haletant et lyrique.
«Mauvais œil»
Yara a tout pour être heureuse : un mari travailleur, deux enfants magnifiques et un poste à l’université qui lui permet de vivre de sa passion pour l’art. Seulement, tiraillée entre la préparation des cours, la gestion du foyer ou encore l’absence de Fadi, son époux accaparé pour sa vie professionnelle, elle s’interroge sur l’hérédité de la malédiction qui a pesé sur sa mère en Palestine.
«L’Heureuse et violente vie de Maribel Ziga»
“Aucune femme ne décide d`être maltraitée, mais tout est fait pour que ça nous coûte affreusement, jusqu`à la vie, pour cesser de l`être. Pourquoi une fille comme ma mère, si intelligente, si drôle, si brillante, si pétillante, si fascinante, si bien entourée, si aimée, si amoureuse, si bonne vivante, si fantastique, si lumineuse, a-t-elle dû supporter tout ça ?” Dans ce livre coup de poing, Itziar Ziga brosse tout à la fois le portrait de sa mère, des classes populaires et de la violence conjugale. Elle se penche sur son enfance déchirée aux côtés d’un père violent et d’une mère qui tente malgré tout d’élever ses filles dans l’amour et la liberté. Avec la langue punk qui la caractérise, Itziar Ziga nous offre un texte, entre essai et écrit intime, plein de rage et de joie de vivre. Un exercice de réparation personnel et collectif !