Un couple d’Indiens impassibles, dans un lycée servant de morgue, regarde défiler des photos de cadavres défigurés quand soudain, ils croient reconnaître leur fils de 22 ans. Le pendentif, que le défunt porte autour de son cou meurtri, confirme le décès de leur enfant, rapporte l’AFP.
La mère avale ses larmes, chancelle doucement sur l’épaule de son mari, puis détourne le regard de l’écran de l’ordinateur portable qu’un fonctionnaire indien tend aux familles pour tenter d’identifier des proches qui ont perdu la vie dans la pire catastrophe ferroviaire de ces dernières décennies en Inde. La collision entre trois trains, survenue vendredi soir, a fait au moins 288 morts et 900 blessés, près de Balasore, à environ 200 kilomètres de Bhubaneswar, la capitale de l’Etat d’Odisha, dans l’est de l’Inde. Tout au long de la journée et jusque tard dans la nuit de samedi à dimanche, une population désemparée a afflué dans les locaux du lycée de Bahanaga, transformé en morgue, à moins d’un kilomètre du site de la collision.
“Les cadavres acheminés ici étaient déjà en très mauvais état”, déclare Arvind Agarwal, responsable de cette morgue de fortune, à l’AFP, mais après plus de vingt-quatre heures d’une chaleur torride, “ils sont, pour la plupart, méconnaissables”. “Alors la plus grande épreuve (pour les familles) est l’identification des corps”, ajoute-t-il, assis dans le bureau du directeur de l’école.
A ses côtés, Siddharth Jena, un bénévole de 23 ans, tient un ordinateur portable contenant le registre de photos numérotées des cadavres acheminés depuis vendredi soir dans ce lycée. Des exhalaisons de chair en décomposition ont envahi le lycée et ses abords. Des dizaines de personnes assises aux portes de l’établissement attendent des informations concernant leurs proches disparus.
Une fois un corps identifié parmi les photos du registre, la famille hérite d’un reçu qui l’autorise à se rendre auprès du défunt. Mais les choses sont loin d’être simples. “Nous comptons ici 179 corps, et seulement 45 ont pu être identifiés”, a déclaré à l’AFP samedi Ranajit Nayak, directeur adjoint de la police ferroviaire. Une douzaine de cadavres dans des sacs mortuaires blancs, gisant dans les salles de classe et dans le couloir taché de sang, portaient la mention “identifié” ou “non identifié”. “Aujourd’hui, nous avons ici des corps dont il ne reste qu’un torse, dont le visage est entièrement calciné, la tête défigurée, sans plus aucun signe distinctif d’identité visible”, a-t-il ajouté.
Plus tard dans la soirée, les corps non identifiés ont été transférés sur un autre site, aux installations plus appropriées à la conservation des corps, en attendant que des proches arrivent de régions éloignées. Pour certains, comme Abhijit Chakrabarty, 27 ans, de l’État voisin du Bengale-Occidental, l’attente n’aura pas duré trop longtemps. Il a rapidement retrouvé Subhashish, son beau-frère de 25 ans, en reconnaissant un bracelet à son poignet sur une photo.
Mais pour d’autres, le calvaire continue. M. Agarwal a d’ores et déjà prévenu les familles qu’elles devraient probablement se soumettre à des tests ADN pour aider à l’identification des cadavres. Noor Jamal Mondon du district de Bardhaman, au Bengale-Occidental, n’a aucune nouvelle de son jeune frère, Yaad Ali, 35 ans.
“Nous avons fouillé tous les hôpitaux et le site de l’accident toute la journée”, a déclaré à l’AFP M. Mondon, un imam de 38 ans, “alors nous retournons une fois encore voir les corps à la morgue”.