Le droit au retour des réfugiés palestiniens est un principe adopté dans la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies et une position politique, concernant les réfugiés palestiniens à la suite de l’Exode palestinien de 1948 qui se produisit pendant la guerre israélo-arabe de 1948, ainsi que de leurs descendants (estimés à 6 millions en 2017) dans les territoires palestiniens et les pays voisins (Jordanie, Liban et Syrie).
Par Marwa Mourad

Au fil des années, le droit au retour est devenu une des revendications fondamentales des Palestiniens au cœur du conflit israélo-palestinien. Leurs descendants revendiquent « des liens intimes et durables » avec la région. De nombreux Palestiniens ayant conservé les clés de leurs habitations plusieurs années après les avoir quittées, la clé est devenue un symbole de ce droit au retour.
De sa vie d’enfant, Amina al-Dabaï se souvient de moments simples, “confortables”.
Jusqu’à ce jour de 1948 où, comme des centaines de milliers d’autres Palestiniens, elle a fui les combats consécutifs à la création d’Israël.
Mme Dabaï, née en 1934, fait partie des quelque 760.000 Arabes de Palestine qui ont été chassés de chez eux pendant la guerre de 1948-1949 qui a vu Israël sortir vainqueur face aux armées de cinq pays arabes l’ayant envahi dès le lendemain de sa création.
Avec leurs descendants, ceux qui sont encore en vie forment une cohorte de 5,9 millions de réfugiés palestiniens répartis entre la Cisjordanie occupée, la bande de Gaza, la Jordanie, le Liban et la Syrie, selon l’ONU.
Pour eux, cet exode a constitué une “catastrophe” (“Nakba” en arabe) que les Palestiniens commémorent chaque année le 15 mai, alors que les Israéliens fêtent l’indépendance de leur Etat, proclamé le 14 mai 1948. Soixante-quinze ans plus tard, l’AFP a rencontré huit Palestiniens réfugiés dans la bande de Gaza après 1948 et âgés de 85 à 98 ans.
Jusqu’à la guerre, “nous vivions confortablement”, se rappelle Amina al-Dabaï, évoquant les balançoires, la grande fontaine du marché central, “et les odeurs qu’il y avait à Lydda et qu’il n’y a pas ici, à Gaza.”
Déportation planifiée, expulsion, exil volontaire ? Massacre de plusieurs centaines de civils et combattants désarmés dans une guerre où les deux camps se sont rendus coupables d’atrocités ? Les événements survenus les 12 et 13 juillet 1948 à Lydda (aujourd’hui Lod, dans le centre d’Israël) lors de la conquête de la ville par l’armée israélienne font l’objet de débats et de controverses intenses encore aujourd’hui.
Une chose semble sûre : la ville s’est vidée de la quasi-totalité de ses quelque 30.000 habitants arabes, pratiquement du jour au lendemain.
Egrenant ses souvenirs enfouis de jeune adolescente, Mme Dabaï raconte l’arrivée de soldats coiffés de keffiehs, comment les habitants ont d’abord cru à des renforts jordaniens, avant de comprendre qu’il s’agissait de soldats israéliens.
Personne pour filmer
Le lendemain, ils ont encerclé la ville et ont demandé aux habitants de quitter les lieux, raconte la vieille dame: “Nous leur avons dit que nous ne voulions pas, ils ont répondu qu’ils nous tueraient.”
La famille Al-Dabaï part à pied, quelques vêtements en main, avec la certitude de revenir rapidement.
Après un séjour dans la région de Ramallah, elle prend la direction de l’Egypte. Mais le trajet trop onéreux la pousse à s’arrêter à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où Mme Dabaï vit toujours.
“Il n’y avait personne pour filmer les massacres comme on le fait aujourd’hui”, regrette-t-elle, assurant avoir “vu de (ses) propres yeux” les forces juives prendre “d’assaut une mosquée et tuer” tous ceux qui s’y étaient réfugiés.
Deux tiers de la population de la bande de Gaza a le statut de réfugiés et le “droit au retour” est une constante des revendications palestiniennes depuis 1948.
“Cela nous fait pleurer. Rien ne vaut la Palestine d’antan, c’était doux”, dit-elle, se rappelant que les habitants de Lod vivaient sans réelle interaction avec leurs voisins juifs avant la Nakba.

Aucune indemnisation
Les réfugiés rencontrés par l’AFP concèdent qu’un retour de leur vivant paraît irréaliste. Mais tous misent sur leurs descendants, qu’ils soient à Gaza ou à l’étranger, pour concrétiser leur rêve.
Mme Wishah n’entrevoit pas de paix avant “des générations” ni autrement qu’au prix “du sang”.
“Ma vie est terminée. Si nous ne revenons pas, nos enfants et petits-enfants le feront”, assure Mme Dabaï, refusant catégoriquement de tirer un trait sur le “droit au retour”.
“Je n’accepterai aucune indemnisation pour mon pays”, dit-elle.
Hassan Al-Kilani, né en 1934 dans le village de Burayr au nord de la bande de Gaza, dit à l’AFP qu’il n’acceptera d’être dédommagé qu’en cas d’accord politique.
Mais “nous, Arabes et Palestiniens, nous ne pouvons égaler la force d’Israël, soyons réalistes”, s’empresse d’ajouter l’homme coiffé d’un keffieh blanc. “Nous résistons mais notre résistance est limitée par rapport à notre ennemi”.
Ancien ouvrier du bâtiment, M. Al-Kilani a reconstitué le plan de son village et noté le nom de chaque famille, parcelle par parcelle. Le dessin est accroché sur un mur du salon.
“Tous ceux qui sont restés ont été tués, même le bétail, les chameaux et les vaches”, affirme-t-il. “Il n’y avait pas assez de munitions et nous avons été vaincus par le nombre d’armes qu’ils avaient.”
Sur un autre pan de mur du salon pend une clé, symbole du retour espéré.
“L’injustice ne dure pas”, affirme celui qui veut croire à une “victoire”, avant de se désoler: “Je suis vieux. Combien d’années me reste-t-il à vivre?”