Ah, la langue ! Ce miroir de l’âme d’un peuple, ce terrain de jeu infini où s’entrelacent poésie, malice et génie populaire. Et s’il est une langue qui regorge de trésors insoupçonnés, c’est bien l’arabe égyptien ! Aujourd’hui, intéressons-nous à un mot du quotidien qui, dans sa simplicité apparente, cache une myriade de nuances : “l’eid” (littéralement, “la main”). En Egypte, une main n’est pas qu’un simple outil biologique, c’est un révélateur de personnalité, un indicateur social, et parfois même une arme redoutable. Démonstration.
· (Eidu beida) – Il a “une main blanche” : autrement dit, c’est un bienfaiteur, un homme généreux au grand cœur.
· (Eidu maska) – Il a “une main qui serre” : eh oui, c’est un radin de première catégorie !
· (Eidu firta) – “Une main qui se disperse” : lui, c’est tout l’inverse, il donne sans compter, quitte à se ruiner.
· (Eidu tayla) – “Une main qui atteint” : une personne influente, capable d’accomplir de grandes choses.
· (Eidu wasla) – “Une main qui touche” : il connaît du beau monde, a du piston. Le réseautage, ça le connaît !
· (Eidu tawila) – “Une longue main” : attention, voleur en approche !
· (Eidu khafifa) – “Une main légère” : pickpocket ou simplement très habile, tout dépend du contexte…
· (Eidu makhrouma) – “Une main trouée” : celui-là, l’argent lui file entre les doigts.
· (Eidu tarsha) – “Une main qui frappe au hasard” : bagarreur redoutable, il cogne n’importe où et n’importe comment.
· (Eidu ‘ala albu) – “Une main sur son cœur” : celui-là, il a la peur au ventre en permanence.
· (Eidak ma’aya) – “Ta main avec la mienne” : autrement dit, “aide-moi” !
· (Eid wara wa eid ouddam) – “Une main derrière, une main devant” : il n’a rien du tout, que ce soit matériellement ou en opportunités.
· (Ala hattet eidak) – “Sous la même empreinte de ta main” : il n’y a pas eu de changement, tout est resté pareil.
· (Tislam eidak) – “Que ta main soit préservée” : merci infiniment !
· (Eidak menno wal-ard) – “Ta main sur lui et la terre” : pas la peine d’essayer, il est irrécupérable.
· (Eidak ‘ala al-ma’loum) – “Ta main sur l’essentiel” : paie la somme demandée, tout de suite !
· (Wal-eid ossaira) – “La main est courte” : il est fauché ou impuissant à agir.
· (Elli eidu fil-maya mesh zay elli eidu fil-nar) – “Celui qui a la main dans l’eau n’est pas comme celui qui l’a dans le feu” : autrement dit, c’est facile de juger quand on ne souffre pas soi-même.
· (Maskeh men eidu elli betwagha) – “Il le tient par la main qui lui fait mal” : il détient un secret compromettant ou un levier de pression sur quelqu’un.
· (Eidi ‘ala kitfak) – “Ma main sur ton épaule” : je suis avec toi, je te soutiens !
· (Eidu tetlef fi harir) – “Sa main mérite d’être enveloppée de soie” : c’est un maître dans son art.
· (Gayi w eidu fadiya) – “Il vient avec une main vide” : il est venu les mains vides, sans rien offrir.
· (Eidi metkatfa) – “Mes mains sont attachées” : je suis impuissant, je ne peux rien faire.
· (Osfour fil-eid) – “Un oiseau dans la main” : une opportunité à ne pas laisser filer.
· إ(Eid ‘ala eid bitsa’ed) – “Une main sur une autre aide” : l’union fait la force.
L’Egypte ne manque jamais d’imagination pour exprimer mille réalités avec une seule expression. Loin de n’être qu’une simple partie du corps, “l’eid” devient un univers à elle seule, riche de nuances et de couleurs. On y retrouve la générosité, la ruse, l’opportunisme, la peur, la débrouillardise… toute la palette humaine encapsulée dans un simple geste. Alors, la prochaine fois que vous entendrez un Égyptien parler de mains, tendez l’oreille : il est peut-être en train de vous dévoiler un pan entier de sa culture avec un simple mot !