






Au cœur du Caire fatimide, la rue El-Moez s’étire comme une artère vivante où l’histoire se raconte à chaque pas. Telle une galerie à ciel ouvert, elle déploie ses trésors architecturaux, témoins d’un passé glorieux où l’Egypte brillait de mille feux sous les dynasties islamiques. Si les murs pouvaient parler, ils murmureraient les récits des califes, des marchands et des artisans qui ont façonné cette rue mythique, l’une des plus anciennes et des plus riches en patrimoine du monde arabe.
Une rue, mille ans d’histoire
La rue El-Moez li-Dîn Allah, du nom du premier calife fatimide d’Egypte, fut tracée au Xe siècle lorsque Le Caire devint la capitale du califat fatimide. Dès ses premiers instants, elle se transforma en un axe vital reliant les grandes institutions politiques, religieuses et commerciales. Aujourd’hui encore, elle demeure l’un des plus grands musées à ciel ouvert du patrimoine islamique, rassemblant mosquées, madrassas, palais et fontaines dans un écrin de pierre et de bois sculpté.
Classée comme l’une des rues médiévales les mieux préservées du monde islamique, El-Moez a traversé les époques, de la splendeur fatimide aux fastes mamelouks et ottomans. Chacune de ces dynasties y a laissé son empreinte, contribuant à la richesse architecturale et artistique qui en fait aujourd’hui un joyau du Caire historique.
Un musée à ciel ouvert : Les monuments incontournables
La mosquée d’Al-Hakim
bi-Amr Allah
Située à l’extrémité nord de la rue, cette mosquée impressionnante, construite à la fin du Xe siècle, est l’un des plus anciens édifices religieux du Caire. Son architecture massive et ses minarets d’inspiration persane reflètent le style fatimide dans toute sa splendeur. La sérénité qui y règne contraste avec l’agitation de la rue, offrant un moment de paix au visiteur.
Le complexe Qalawun
Chef-d’œuvre mamelouk du XIIIe siècle, ce complexe regroupe une mosquée, un hôpital et un mausolée somptueux qui abrite la dépouille du sultan Al-Mansour Qalawun. Son dôme finement décoré et ses mosaïques rivalisent avec les plus belles réalisations islamiques du monde. L’intérieur du mausolée, avec ses arabesques dorées et ses inscriptions coraniques, est un pur enchantement.
La mosquée et madrassa
du sultan Barquq
Érigée en 1386, cette mosquée-madrassa est un exemple parfait de l’art mamelouk. Sa grande porte en bois sculpté, ses colonnes imposantes et son immense dôme en font un joyau de l’architecture islamique. Elle servait à la fois de lieu de prière et d’école pour l’enseignement des sciences islamiques.
Le palais de Beshtak
Vestige raffiné du XIVe siècle, ce palais mamelouk illustre le faste des résidences princières de l’époque. Ses moucharabiehs finement sculptés et ses vastes salles décorées de fresques témoignent du savoir-faire architectural des artisans cairotes.
Le complexe de Sultan Al-Ghuri
Ce monument du XVIe siècle marque la transition entre l’architecture mamelouke et ottomane. Il comprend une mosquée, une madrassa et un khanqah (monastère soufi), et son intérieur regorge de détails fascinants : coupoles gravées, marbres incrustés et portes monumentales.
Bayt Al-Suhaymi, une maison dans le temps
Ce manoir ottoman du XVIIe siècle offre une plongée dans la vie quotidienne du Caire ancien. Avec ses patios ombragés, ses moucharabiehs élégants et son mobilier d’époque, il permet aux visiteurs de découvrir comment vivaient les notables cairotes sous l’Empire ottoman.
Une rue en perpétuelle renaissance
Si la rue El-Moez est un témoin du passé, elle est aussi bien ancrée dans le présent. Après d’importantes rénovations, elle est devenue un lieu de promenade prisé, où les habitants et les touristes se mêlent aux artisans et aux conteurs.
Le soir, les lanternes illuminent les façades centenaires et les échos des récitations soufies se mêlent aux chants des vendeurs de loukoums et de karkadé. Les cafés traditionnels, à l’image du célèbre Qahwat al-Fishawi, résonnent encore des conversations animées, et les ruelles adjacentes, comme le souq de Khan el-Khalili, continuent de perpétuer l’âme marchande du Caire historique.
Un héritage à préserver
La rue El-Moez n’est pas seulement une attraction touristique : elle est la mémoire vivante d’un Caire millénaire, un livre ouvert sur une histoire faite de grandeur et de raffinement. Sa préservation est un défi constant face aux assauts du modernisme et de l’urbanisation galopante.
Car dans cette rue, chaque pierre, chaque porte, chaque coupole raconte une histoire. Une histoire de sultans et de voyageurs, d’artisans et de mystiques, de foi et de grandeur.
Et tant que résonneront sous ses arcades les pas des passants, tant que ses murs chuchoteront encore leurs secrets aux curieux, El-Moez restera à jamais le cœur battant du Caire islamique.