On se croirait au paradis : une énorme clôture qui entoure un grand jardin verdoyant et paisible, une bâtisse rurale très humble : il s’agit du centre Ramsès Wissa. A peine arrivé au village d’Al-Harania, tout visiteur n’a aucune difficulté à trouver ce lieu chargé d’art et d’histoire, mais aussi menacé de fermer malheureusement ses portes.
Sur un immense panneau, le nom du centre écrit visiblement attire les yeux des visiteurs. Là, c’est à la fois la demeure principale de la famille de l’ingénieur Ramsès Wissa Wassef ainsi que le cap de tous ceux qui souhaitent apprendre les arts manuels à l’instar du métier à tisser ou l’art du batik qui est traditionnellement le dessin sur des étoffes ou des tissus par certains types de cire. Pendant plus de cinq décennies, voire près de cinquante ans, ce lieu était le cap des villageois souhaitant apprendre à utiliser le métier à tisser pour produire des chefs d’œuvre colorés et sublimes. Tout un art et un savoir-faire ancestral qui a permis de produire des vraies œuvres et formées des générations d’artistes.
Suzanne Wissa, la fille du fondateur dudit centre, a pris la peine de raconter l’histoire du centre et des enfants des paysans qui sont devenus des artistes de renommée internationale qui méritent estime et appréciation .
En, effet, le centre est fondé « par l’architecte Ramsès Wissa Wassef qui a étudié l’architecture à l’Ecole des Beaux-arts à Paris. Il était un amateur des travaux manuels. De retour en Egypte, il a décidé d’ancrer l’enseignement de cet art qui incarne la beauté et l’authenticité de l’Egypte, a-t-elle indiqué. L’essentiel pour lui était de faire de cet art aussi une création égyptienne, et non d’une machine ».
Wissa Wassef a cru réellement que Dieu a donné à chaque individu des talents et des capacités hors pair, lorsqu’il a eu recours à de grands noms dans le domaine des arts manuels, mais ils se sont montrés réticents à coopérer avec lui. Il a alors décidé de recourir aux enfants étant donné qu’ils n’ont pas été souillés par la vie et qu’ils vont coopérer sans problème. C’est pour cela que son choix s’est porté sur le village Al-Harania.
Wassef a alors appris aux enfants l’art du jeu, leur a donné des fils colorés et les a laissés alors incarner leur vision de l’art de manière spontanée.
Suzanne Wissa Wassef a assuré que le fait d’apprendre aux enfants un art des plus minutieux et des plus méticuleux n’est pas simple. « Cela nécessite du temps et de la patience pour manipuler les fils avec aisance », a-t-elle insisté. « Tisser n’est pas simple, c’est exactement comme le dessin et la sculpture, il s’agit d’imiter la nature. Tisser c’est assembler fil par fil jusqu’à pouvoir créer en fin de compte un tableau complet qui représente la vision de l’artiste », a-t-elle noté la représentante de la famille Wassef.
En plus du tissage, le centre Wissa est aussi spécialisé dans d’autres arts manuels comme la poterie, le batik, etc., bien que c’est le tissage qui ait pu changer la personnalité des enfants du village, leur donnant une confiance en eux-mêmes et créant en eux une énergie positive pour plonger dans leurs âmes davantage.
Ayant bâti une relation sur la sincérité et l’entente mutuelle, l’expérience de Wassef avec les enfants à l’époque leur a permis de devenir aujourd’hui de grands artistes. Suzanne Wassef a expliqué qu’au début les enfants insistaient à garder leur indépendance, puis, ils demandaient de l’aide, c’est avec du temps que la vision artistique est encrée en eux et devenue intarissable.
Wassef décédé en 1974, a deux enfants qui ont hérité le centre et poursuivi son parcours.
Suzanne Wassef trouve que les écoles actuelles n’inculquent ni l’art, ni l’amour de l’art aux enfants. Et d’assurer que le centre de son père a continué à former les villageois d’Al-Harania pour plus de 65 ans. A partir de 1958, Wassef est parvenu à présenter les œuvres desdits villageois en Europe dans plusieurs pays comme la Suisse. Le centre a permis de donner un regard nouveau en Europe à l’égard des villageois : ce sont des créateurs du beau et de la splendeur.
Malheureusement en l’absence de touristes, la dernière crise économique a eu un impact majeur sur le centre qui ne vend plus ses productions. Ils se trouvent face à la difficulté de perpétuer une tradition qui a existé de plus d’un demi-siècle.