Absolument pas. Si une mauvaise alimentation est une raison de développer de nombreuses maladies, un usage irresponsable de l’Internet détériore de son côté nos aptitudes cérébrales. A force d’être abreuvé par des millions d’informations futiles, l’internaute ne réfléchirait plus par lui-même, laissant littéralement son « cerveau pourrir »…
Par : Hanaa Khachaba
Dans le tumulte de nos vies contemporaines, une notion émerge avec une force troublante : le « cerveau pourri » ou, en anglais, « brain rot ». Ce terme, à la fois provocateur et évocateur, dépeint une réalité amère où la clarté de l’esprit s’efface, comme une peinture qui s’estompe sous l’effet du temps.
La surstimulation permanente, offerte par le flot incessant des réseaux sociaux et des informations superficielles, engendre un état d’apathie intellectuelle, une sorte de délabrement cognitif, où la pensée s’enlise dans le tourbillon des contenus éphémère.
Cette pourriture cérébrale fait donc référence à une tendance désastreuse liée au numérique et notamment à la consommation de contenus sur les réseaux sociaux. Qu’il s’agisse de vidéos courtes sur TikTok, de threads, de tweets sur X sans fin ou de marathons de séries, le brain rot fait notamment allusion à la dégradation mentale liée à cette surconsommation incontrôlable de contenus peu stimulants intellectuellement.
Plus largement, le terme renvoie à notre incapacité à faire face au flux continu de contenus qui nous sont proposés, souvent très courts, pour capter notre attention en permanence. Accentué par des mécaniques algorithmiques bien ficelées, il est très compliqué de s’extirper de la folie des réseaux sociaux et autres plateformes numériques, qui fonctionnent sur cette addiction au contenu rapide. C’est ce qu’on appelle la « dopamine loop », un système de boucle virale qui se base sur notre désir de dopamine, l’hormone du plaisir.
Imaginez un esprit autrefois vif, vibrant d’idées, désormais engourdi sous le poids d’un trop-plein d’informations. Les heures passées à parcourir des fils d’actualité, à consommer des vidéos de quelques secondes, font naître une culture de l’immédiateté, au détriment de la réflexion profonde. Ce phénomène, à la portée universelle, transcende les générations, touchant aussi bien les adolescents que les adultes, tous piégés dans ce labyrinthe numérique, où l’attention se disperse comme du sable entre les doigts.
Le « cerveau pourri » est une métaphore du malaise contemporain. Il illustre notre incapacité à nous concentrer, à savourer un livre, à engager une conversation sans être distrait par une notification. Les interactions humaines se réduisent à des échanges superficiels, la profondeur des émotions s’efface, et au fil du temps, nous perdons le goût de l’introspection. La beauté de la pensée se dilue dans un océan de banalités, et l’art de la contemplation s’éteint lentement.
Pourtant, il existe une lueur d’espoir. Reconnaître l’état de notre esprit est le premier pas vers la guérison. Il est possible de réhabiliter ce cerveau flétri, de lui redonner vie. Cela nécessite un acte de volonté, un retour à des pratiques oubliées : la lecture attentive, l’écriture, la méditation, et l’échange sincère avec autrui. Reprendre le temps de savourer chaque instant, de s’émerveiller devant la beauté du monde qui nous entoure. En rétablissant un équilibre, en nous déconnectant des écrans, nous pouvons redécouvrir le plaisir d’une pensée libre, d’une créativité renouvelée. Ce chemin vers la résilience intellectuelle est long, mais chaque pas compte. Cultivons notre jardin intérieur, semons des graines de réflexion et d’émerveillement. Car c’est dans cette quête de sens, au cœur de notre être, que réside le véritable antidote à la pourriture cognitive.
Ainsi, le « cerveau pourri » se transforme-t-il en appel à la vigilance. A nous de choisir d’éveiller notre esprit, de l’extirper de l’oubli et de lui redonner la lumière. Dans ce monde en perpétuelle effervescence, il appartient à chacun de nourrir sa pensée, de la faire fructifier, et de se rappeler que la santé de notre esprit est tout aussi essentielle que celle de notre corps. Seule une démarche consciente et engagée nous permettra de transcender cette condition et d’embrasser pleinement la richesse de notre humanité.