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L’Egypte antique fascine par ses monuments colossaux et ses mystères encore insondables. Mais au-delà des pyramides et des temples, une autre forme d’art et de science se pratiquait : la modification corporelle. De la momification aux tatouages, en passant par le maquillage et les prothèses, les Égyptiens ont façonné leur apparence selon des principes aussi bien religieux que médicaux.
La momification : Un art au service de l’éternité
Parmi les modifications les plus emblématiques figure la momification, une technique élaborée visant à préserver le corps après la mort. Selon les croyances funéraires, l’âme (le ba) devait reconnaître son enveloppe terrestre pour accéder à l’au-delà. Les prêtres embaumeurs procédaient ainsi à un processus complexe : extraction des organes internes, dessiccation au natron, enveloppement dans des bandelettes imbibées de résines.
Les analyses scientifiques modernes, notamment celles menées par l’équipe de Salima Ikram, égyptologue spécialiste des momies, ont révélé l’utilisation de substances antibactériennes et de parfums destinés à ralentir la décomposition. Des études par tomographie assistée par ordinateur (CT scan) ont également permis d’examiner des momies sans les altérer, révélant des détails sur l’état de santé et les pratiques médicales des Égyptiens.
Tatouages et cosmétiques : Entre esthétique et symbolisme
Contrairement à une idée répandue, le tatouage existait bel et bien en Égypte antique, principalement chez les femmes. Des découvertes récentes, notamment celles de Renée Friedman à Gebelein, ont mis en lumière des momies féminines tatouées de motifs géométriques et d’animaux. Les études suggèrent que ces marquages corporels avaient un rôle rituel ou protecteur, liés à la fertilité ou à des pratiques religieuses.
Le maquillage, lui, était omniprésent. L’utilisation du khôl pour souligner les yeux dépassait la simple coquetterie : les recherches en chimie archéologique ont prouvé que le galène, principal composant du khôl, avait des propriétés antibactériennes. Il protégeait ainsi les yeux des infections, notamment dans un climat désertique hostile.
Prothèses et modifications médicales : Une avancée surprenante
Loin d’être uniquement symboliques, certaines modifications corporelles avaient une visée thérapeutique. Des prothèses des orteils et de pieds en bois ont été retrouvées sur des momies, notamment celle de la “Dame de Thèbes”, datant de 950 av. J.-C. Les analyses ont montré qu’il ne s’agissait pas de simples ajouts funéraires, mais de véritables dispositifs adaptés à la marche.
Les papyrus médicaux, comme le Papyrus Edwin Smith (daté du XVIe siècle av. J.-C.), témoignent d’une connaissance avancée de l’anatomie humaine. Ce texte décrit des interventions chirurgicales, des soins aux fractures et des méthodes de suture qui préfigurent la médecine moderne.
Un héritage millénaire
Ces découvertes scientifiques réévaluent notre perception des Égyptiens antiques. Bien loin d’une civilisation figée dans ses traditions, ils avaient une approche pragmatique et sophistiquée de la modification corporelle, mêlant croyances religieuses, soins médicaux et esthétisme.
Ainsi, à travers le temps, l’héritage de ces pratiques se perpétue, rappelant que l’être humain, depuis toujours, façonne son corps pour répondre aux exigences de son époque, entre science, culture et spiritualité.