Anciennes, excellentes, substantielles et continues
Les relations entre l’Egypte et la France sont plus que particulières. Elles sont promues au niveau de partenariat stratégique qui en dit beaucoup sur des liens indéfectibles entre les deux pays qui se sont remarquablement développés au fil des années. L’ambassadeur de France en Egypte, S.E. Marc Baréty, s’est confié au Progrès Egyptien, à l’occasion du 14 Juillet, abordant maintes questions d’aspect politique, économique, sécuritaire, culturel et commercial. Interview.
Propos recueillis par Mohamed El Sayed El Azzawy

Le Progrès Egyptien : Les relations entre l’Egypte et la France sont solides et particulières. On peut parler plutôt d’un partenariat stratégique d’une très grande importance. Quelles sont les futures perspectives de coopération bilatérale entre les deux pays ?
• Marc Baréty : Vous avez bien qualifié “de partenariat stratégique” les relations entre les deux pays, parce l’Egypte est un grand pays extrêmement important à cause de sa position géographique et par son poids démographique, politique et économique. Nous avons une relation ancienne avec l’Egypte. Une relation forte dans un tas de domaines politique, économique, culturel, sécuritaire et de défense. Donc, nous avons un partenariat essentiel avec l’Egypte, dont le but est de contribuer à la présence française et aussi à la stabilité de l’Egypte dans la région. Cet intérêt est dans différentes directions, en soulignant que les relations entre les Présidents Al-Sissi et Macron sont excellentes et c’est extrêmement clair au niveau des entretiens qui sont toujours menés au niveau présidentiel, dont celui récemment lors de la COP27. Et c’était évident lors du Sommet sur le nouveau Pacte financier, lorsque le Président Al-Sissi y a assisté en réponse à l’invitation que lui avait adressée le Président Macron, pour ainsi “porter la voix de l’Egypte dans ce débat”. L’Egypte a assumé la présidence de la COP27 et a porté aussi la voix de l’Afrique. Il y a aussi d’autres échanges au niveau politique puisque le ministre de la Défense, le général Mohamed Zaki, s’est en effet rendu en France au mois de juin pour avoir d’importants entretiens, ce qui est pour nous un développement substantiel, et certes il y aura d’autres développements des relations dans tous les domaines. Il faut souligner que ces relations bilatérales ne sont pas cantonnées au niveau des ministres, mais il existe des échanges et des visites au niveau parlementaire entre les responsables des deux pays. Nous avons témoigné de la visite des deux délégations sénatoriales récemment en Egypte et qui ont eu des entretiens avec les responsables parlementaires égyptiens, également avec des hauts responsables religieux et du ministère des Affaires étrangères. Ceci résume à quel point les relations Egypte-France sont importantes. Il y a aussi un dialogue technocrate pour dire à quel point l’Egypte est centrale. Une Conférence régionale des ambassadeurs de la région a été tenue ici au Caire. L’aspect politique nous semble donc extrêmement primordial. Nous avons besoin de la vision et de l’action de l’Egypte parce qu’elle est une puissance qui réussit à établir la stabilité dans la région. Nous avons besoin de l’Egypte aussi en tant que pays francophone et le journal Le Progrès Egyptien en est une parfaite démonstration. Au niveau archéologique, l’Egypte est un immense laboratoire de recherches pour les archéologues français.
P.E. : Et quels sont les récents développements concernant la coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste ?

• M.B. : Au niveau de l’aspect sécuritaire, nous avons une coopération extrêmement active et qui ne porte pas uniquement sur le niveau antiterroriste, mais il existe également une coopération dans le domaine légal et dans la lutte par exemple contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et nous espérons aller encore plus loin avec les autorités égyptiennes, au niveau aussi de la formation de certains cadres, conformément aux spécificités des deux pays. Nous avons eu par exemple une formation au niveau de la fraude documentaire. Nous pouvons également parler d’une coopération dans le domaine juridique, à la lumière de la visite du Procureur général égyptien à Paris et qui a présidé la cérémonie de remise d’un certain nombre d’objets archéologiques égyptiens qui avaient été pillés et envoyés en France mais qui ont été arrêtés par les douanes françaises. C’était une opération de restitution officielle. Et ce sont là des points qui me semblent très significatifs puisque la lutte contre le trafic des objets d’art est une priorité. Je complète aussi au niveau de la coopération légale et juridique en soulignant la coopération avec l’Union Européenne et le ministère de l’Immigration avec un Programme de lutte ou plutôt d’une sécurisation sur les frontières égyptiennes. Nous espérons que ce Programme va voir un développement positif puisque ce dossier est important pour l’Egypte.
P.E. : Pouvez-vous nous parler aussi de la coopération entre les deux pays au niveau de l’Enseignement supérieur et la possibilité de voir de nouvelles bourses accordées aux étudiants égyptiens ?
• M.B. : Au niveau de la recherche, je dis “oui” qu’il y a 175 bourses par an qui sont accordées aux étudiants égyptiens. Un des facteurs d’avancement de l’Egypte, c’est l’investissement dans la jeunesse. Si les jeunes sont bien formés, ce sera là un atout de l’Egypte. Nous souhaitons pouvoir contribuer à la formation des jeunes Egyptiens. Il faut noter que la formation ne commence pas dans l’enseignement supérieur, mais elle commence bien avant. Nous avons ici un réseau des écoles françaises ou des programmes français. Nous parlons de la tradition de l’enseignement du français ici en Egypte et c’est là une dimension qui s’est élargie avec les années, puisque nous voyons des investisseurs égyptiens qui souhaitent gérer des établissements scolaires avec des programmes français avec une section internationale, autrement dit, ils sont intéressés par la promotion des études en français. C’est là, le gage d’un développement de l’éducation du français ici en Egypte. Les étudiants donc qui ont suivi une formation française, peuvent continuer cette éducation dans l’enseignement supérieur et ils ont une multitude d’options : ou bien ils peuvent poursuivre leurs études dans les universités nationales ou privées en France, ou bien dans d’autres pays francophones. Aussi, ont-ils l’option de compléter leurs études dans les universités françaises en Egypte, comme l’Université Senghor à Alexandrie, ou l’Université française au Caire, et également dans les filières françaises aux Universités Ain-Chams au Caire et à Alexandrie. Il y a également une coopération dans le domaine de la formation des enseignants qui a pour objectif de former 13 mille professeurs qui formeront 3 millions d’enfants, outre la coopération dans le domaine de la recherche entre les deux pays et nous avons des programmes importants à ce niveau.
P.E. : On ne peut pas parler de coopération entre l’Egypte et la France sans aborder la coopération archéologique. Pouvez-vous nous en parler ?
• M.B. La coopération archéologique est un domaine très ancien. Nous avons tous le souvenir de Champollion célébré à Paris. Il y a de 35 à 40 missions archéologiques qui sont actives en Egypte avec un certain nombre d’institutions comme l’IFAO ou le Centre d’études archéologiques d’Alexandrie, et aussi le Centre d’études de Karnak, et ce avec l’apport des experts du domaine. J’ai assisté et visité avec le Dr Moustafa Waziri de nombreux sites archéologiques récemment découverts et qui sont extrêmement magnifiques et intéressants. Nous avons également un intérêt porté au patrimoine égyptien qui dépasse le patrimoine ancien ou pharaonique, puisque notre intérêt passe à tout ce qui est de l’Egypte, au cours des différentes périodes historiques, ce qui a été reflété par une coopération avec l’Institut français d’Egypte en organisant une série de conférences au Caire et à Alexandrie sous le titre “La rue de la paix” qui s’est concentrée cette année sur l’islam et le patrimoine religieux dans la ville.

P.E. : Cela nous mène également à aborder tous les sujets culturels entre l’Egypte et la France. Pouvez-vous nous parler des programmes d’échanges entre les jeunes des deux pays ?
• M.B. Nous avons toujours des programmes d’échanges entre les jeunes des deux pays, à travers des événements en France, où des jeunes Egyptiens ont été envoyés pour assister à des événements sportifs par exemple. Lors du Sommet Afrique-France à Montpellier, nous avons fait venir des jeunes Egyptiens pour y assister. Et il existe aussi des programmes d’échanges culturels qui sont tous cadrés. Concernant la question de l’immigration, les deux pays travaillent sur cette question via des mesures de prévention de l’immigration clandestine et c’est également un des objectifs du développement de notre politique de coopération, et ce, en créant une politique économique et des emplois qui attirent les jeunes Egyptiens.
P.E. : L’aspect économique est d’une importance capitale entre les deux pays. Pouvez-vous nous parler des plans d’investissement français futurs en Egypte ?
• M.B. : 5,5 milliards d’euros est la valeur des investissements français en Egypte. La France est un des premiers investisseurs en Egypte. Nous pouvons dire que les investissements sont aussi une question de compétition entre les pays récipiendaires des investissements. Donc, une entreprise en France qui cherche à s’implanter au Sud de la Méditerranée va faire des comparaisons. Les critères sont simples : Est-ce que l’argent qui va être injecté dans ce pays va-t-il être en sûreté ? Est-ce que les fonds générés par une activité sur place sont facilement transférables ? Est-ce que le cadre règlementaire et fiscal est stable ? Au niveau de l’import-export, est-ce que les règles douanières sont faciles pour apporter du matériel par exemple ? Nous avons 200 entreprises françaises opérant en Egypte créant 50 mille emplois, ce qui est un poids non-négligeable. Il y a une attractivité égyptienne pour les investisseurs français et plusieurs échanges de missions d’investissement ont eu lieu, mais il y a aussi un effort supplémentaire à faire parce que la compétition est internationale. Le commerce bilatéral, cette année a été spéciale avec des échanges bilatéraux de 2 milliards d’euros de chaque côté. Si la France est le 2ème fournisseur de blé à l’Egypte, il faut souligner aussi que cette dernière est un des pays les plus importants exportant du gaz naturel liquéfié à la France.




