Le Prix de la Banque de Suède a été décerné à l’économiste, professeure à l’université Harvard, qui « a découvert les principaux facteurs expliquant les différences entre les sexes sur le marché du travail », selon l’Académie royale des sciences de Suède.
Le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, parfois appelé « Nobel de l’économie », a été attribué, lundi 9 octobre, à l’Américaine Claudia Goldin pour son travail sur les inégalités femmes-hommes sur le marché du travail. Ses recherches portent sur des sujets tels que la main-d’œuvre féminine, l’inégalité des revenus, l’éducation et l’inégalité de salaire entre les hommes et les femmes, peut-on lire sur Le Monde.
« C’est un prix très important, pas seulement pour moi, mais pour beaucoup de personnes qui travaillent sur ce thème et qui essayent de comprendre pourquoi il reste de grandes inégalités », malgré d’« importantes évolutions », a déclaré Claudia Goldin auprès de l’Agence France-Presse.
Professeure à Harvard et spécialiste du travail et de l’histoire économique, elle est la troisième femme depuis la création du prix d’économie à être récompensée. Jusqu’à présent seules l’Américaine Elinor Ostrom (2009) et la Franco-Américaine Esther Duflo (2019) l’avaient décroché. « Elle a découvert les principaux facteurs expliquant les différences entre les sexes sur le marché du travail », selon l’Académie royale des sciences de Suède.
« Plafond de verre »
Spécialiste de l’histoire économique, « elle a mis en évidence les principaux facteurs de différences entre les hommes et les femmes » et comment ils ont évolué lors des deux derniers siècles au fur et à mesure de l’industrialisation avec un déclin du travail des femmes au cours du XIXe siècle, selon le communiqué du jury.
« Ses recherches révèlent les causes du changement, ainsi que les principales sources de l’écart qui subsiste entre les hommes et les femmes. » Ainsi, elle a montré que « les femmes sont largement sous-représentées sur le marché du travail mondial et, lorsqu’elles travaillent, elles gagnent moins que les hommes ».
A l’échelle mondiale, environ 50 % des femmes participent au marché du travail, contre 80 % des hommes, et les femmes gagnent moins et « ont moins de chances d’atteindre le sommet de l’échelle professionnelle », se heurtant au « plafond de verre », a noté Randi Hjalmarsson, membre du comité Nobel.
Naissance du premier enfant
La lauréate a démontré que la participation des femmes au marché du travail n’a pas connu de tendance à la hausse ces deux cents dernières années aux Etats-Unis, mais plutôt suivi une courbe en U.
Au cours du XXe siècle, le niveau d’éducation des femmes n’a cessé d’augmenter et, dans la plupart des pays à revenu élevé, il est aujourd’hui nettement supérieur à celui des hommes. Claudia Goldin a démontré que l’accès à la pilule contraceptive a joué un rôle important dans l’accélération de ce changement, en offrant de nouvelles possibilités de carrière aux femmes en matière d’éducation et de choix professionnels.
« Goutte d’eau dans un océan »
Historiquement, une grande partie de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes aux Etats-Unis pouvait s’expliquer par les différences en matière d’éducation et de choix professionnels. Mais, d’après ses travaux, l’essentiel de cette différence de revenus se situe aujourd’hui entre les femmes et les hommes exerçant la même profession, et survient en grande partie à la naissance du premier enfant.
« Le niveau d’éducation des femmes a tellement augmenté, mais, à beaucoup d’endroits, leur paye et leur grade [hiérarchique] n’a pas progressé », a détaillé Claudia Goldin. Certaines mesures liées au congé parental dans une récente réforme du gouvernement américain « sont un pas dans la bonne direction », mais « une goutte d’eau dans un océan », a-t-elle jugé.
Si elle s’est dite « personnellement inquiète » par le recul sur les droits à l’avortement aux Etats-Unis, Mme Goldin ne « mélange jamais ou [alors] rarement [la] politique et [s]on travail ».
Comme les autres Nobel, le prix est doté de 10 millions de couronnes suédoises (920 000 euros), à partager entre colauréats le cas échéant. Créé par la Banque de Suède, le prix d’économie « à la mémoire d’Alfred Nobel » a été ajouté en 1969 aux cinq prix traditionnels (médecine, physique, chimie, littérature et paix) plus de soixante ans après les autres, lui valant de la part de ses détracteurs le sobriquet de « faux Nobel ».