Par: Samir Abdel-Ghany






C’est dans le calme du lendemain d’un vernissage que j’ai choisi de découvrir l’exposition de Raghda El-Mohandes, intitulée *Liens invisibles*, à la galerie Mashrabia, nichée à deux pas du Club de Chasse du Caire. Je voulais rencontrer les œuvres sans bruit, sans effervescence, dans cette intimité silencieuse qui permet aux tableaux de parler, de murmurer même. Là, je suis accueilli par le galeriste, Amr Amira, lui-même artiste et amoureux du beau. Son regard brillait d’une admiration sincère pour les toiles de Raghda. Il ne me parlait ni de lignes ni de couleurs, ni même de composition. Il me parlait d’émotion, de cette présence vibrante que seule une œuvre habitée peut transmettre : *une part de la vie, un éclat de son mystère éternel.*Face à moi, Raghda. Lorsqu’elle me parle de son exposition, elle s’anime : *« Ce n’est pas un simple accrochage, dit-elle, mais une invitation à contempler ces liens invisibles qui unissent les choses, les sens, et les profondeurs de l’âme. »*

Ses toiles en effet échappent aux cadres rigides. Elles dansent et chantent. Le pinceau de l’artiste virevolte avec une liberté enfantine, créant des compositions où les couleurs riches et les lignes fluides s’entrelacent en un ballet visuel ensorcelant. Il y a là l’écho de multiples influences, dont celle, assumée, du grand plasticien Waguih Yassa, mais chaque toile reste indéniablement sienne : elle a sa propre voix.Raghda superpose les couches de couleurs avec patience et intuition. Ses œuvres naissent souvent d’un tracé léger, presque timide, qui s’étoffe peu à peu de détails subtils et de nuances profondes, donnant à la toile une texture vivante. Il y a toujours, dans ses tableaux, une conversation secrète entre les tons chauds et froids. Ce dialogue silencieux provoque une tension visuelle, un va-et-vient intérieur, qui ne cesse d’interpeller le regard.Ce qui marque le plus, pourtant, c’est sa capacité à traduire l’émotion pure en langage plastique. Dans une œuvre, on sent poindre une nostalgie ancienne ; dans une autre, un calme apaisant ; plus loin, une fougue joyeuse. Chaque tableau devient ainsi un miroir, parfois fidèle, parfois déformant, dans lequel chacun peut reconnaître un fragment de soi.Le titre *Liens invisibles* prend alors tout son sens. Raghda explore ces trames secrètes qui relient les êtres et les éléments – qu’ils soient humains, naturels, ou abstraits. Selon elle, un tissu subtil relie tout à tout, et c’est cette toile dissimulée qu’elle tente de révéler à travers son art.Un parallèle troublant se dessine alors entre son œuvre et l’univers musical. Comme en musique, où l’harmonie naît des silences et des notes que l’on lie par l’émotion, Raghda tisse avec ses couleurs, ses formes et ses silences visuels une véritable *symphonie picturale*. Chaque toile devient un mouvement, chaque couleur une note, chaque trait une respiration.L’exposition *Liens invisibles*, à la galerie Mashrabia, est une plongée dans un monde sensoriel et spirituel d’une richesse rare. Elle invite à ralentir, à ouvrir les yeux – mais surtout à ouvrir le cœur.Raghda El-Mohandes a réussi, avec grâce, à faire de ses œuvres le reflet non seulement de sa sensibilité artistique, mais aussi des aspirations d’une génération en quête de sens. Dans un monde en perpétuelle mutation, son langage pictural capte le tumulte et le transforme en beauté.Je vous invite à découvrir cette exposition foisonnante, à célébrer cette artiste dont la voix visuelle mérite qu’on l’écoute. Et que cette célébration soit à l’image du titre du projet : un hommage vibrant à tous ces *liens invisibles* qui nous unissent, parfois à notre insu.