Par: Samir Abdel-Ghany


Nous étions tous réunis, unis par un même élan de tendresse et de reconnaissance, pour entourer l’artiste Farouk Moussa. Ce fut plus qu’une simple réunion amicale : c’était un hommage vibrant à un homme qui, dans le silence de son art, a su faire parler les âmes et éveiller les consciences.
Autour de lui, des figures majeures de la création artistique, dont l’éminent critique et artiste Salah Bissar, qui lui adressa un appel poignant : sortir de sa solitude, offrir un dernier salut à son épouse disparue et un cadeau à ses admirateurs – un livre sur l’art de la caricature. Une œuvre que le grand artiste Galal Gomaa s’est engagé à financer à hauteur de 50 %, en témoignage de son admiration pour ce génie discret. Marwa Ibrahim, quant à elle, prit en charge la direction artistique du projet, tandis que Salah Bissar se porta volontaire pour rédiger la préface. Dès lors, la soirée de lancement du livre était déjà en préparation, portée par un enthousiasme sincère.
Pendant que l’Égypte toute entière célébrait Salah Jahin, nous, dans la maison de Galal, rendions hommage à Farouk Moussa. Mais une question se posait : était-ce simplement un geste de courtoisie envers un ami de talent ? Non, mille fois non. Car si Salah Jahin était encore parmi nous, il aurait pris part à cette veillée, il aurait récité ses quatrains sublimes, chanté ses chansons inoubliables, et en voyant le visage fatigué de Farouk, il aurait entonné avec malice « La vie est devenue rose ».
Que répondre à cette interrogation, sinon d’inviter à contempler les dessins de Farouk, ces coups de crayon mordants et sincères qui disent tout de l’Égypte, de ses rires et de ses larmes ? Un pays riche de créateurs de l’ombre, de talents qui, par choix ou par destin, préfèrent la discrétion à la lumière des projecteurs.
Farouk Moussa, lui, n’a jamais recherché la célébrité. Il n’a jamais fait de son art une carrière lucrative, mais une passion intime et profonde. « Son trait est proche du cœur des gens, parce qu’il exprime leurs joies, leurs peines et les moindres détails de leur existence », témoigne Maher Daniel, réalisateur de films d’animation. « Il ne produit pas en masse, mais sait toujours quand apparaître et quand disparaître. Et chacune de ses œuvres porte une empreinte unique. »
Moustafa El-Sheikh, président de l’Association égyptienne de la caricature, confiait : « Malgré ma position, je consulte toujours Farouk Moussa. Il a une sagesse et une clairvoyance qui transparaissent aussi bien dans ses dessins que dans ses paroles. » Quant à Fawzi Morsi, commissaire du Salon international de la caricature, il évoqua avec émotion l’influence de Farouk au-delà des frontières, ses échanges avec des artistes du monde entier, son nom respecté dans les concours internationaux, et les prix prestigieux qu’il a remportés, faisant briller l’Égypte sur la scène artistique mondiale.
Face à lui, Galal Gomaa, ce maître du dessin, esquissait le portrait de Farouk avec un simple fil métallique, un hommage vibrant et spontané. Salah Bissar saisit alors l’instant pour partager un souvenir mémorable : « Il y a un caricature que je n’oublierai jamais. Un collecteur d’électricité dans un appartement plongé dans l’obscurité, scrutant le compteur tandis que le propriétaire tient une lampe à pétrole pour lui permettre de lire les chiffres… » Un éclat de rire général suivit. « Voilà un dessin à l’ironie mordante, un reflet parfait d’une réalité plus absurde encore. C’est cela, le vrai art ! »
L’artiste Saïd Badawi prit la parole pour évoquer les lignes simples mais éloquentes de Farouk, ces traits qui donnent naissance à un monde où l’humour se mêle à la magie. À ses côtés, les photographes Gamal Kamel et Al-Raqawi Ahmed capturèrent chaque instant, tandis qu’Ahmed déclarait : « Farouk est un photographe dans l’âme. Son regard capte le burlesque de chaque scène, et c’est cette acuité qui fait de chacun de ses dessins une véritable œuvre d’art. »
La soirée toucha à sa fin, mais l’émotion restait intacte. En descendant les marches de la maison de Galal, nous avons pris une dernière photo de groupe, un instant suspendu, une image qui portait un seul et même titre : l’amour.


